Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 3.1890)

LE SALON DU CHAMP DE MARS.

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étroit : cet art prodigieux ne livre pas son secret, — ou plutôt il n’a
pas de secret, s’il faut entendre par là un procédé quelconque. On
s’en tire d’ordinaire en alléguant la « maîtrise de l’exécution »; mais
sait-on bien ce que signifie ce mot quand il s’agit de M. Meîssonier?
Sa manière est si serrée et si ferme que chaque trait lui sert à définir
le sujet qu’il traite ; sa peinture est encore du dessin ; son exécu-

CROQUIS D’UN ALBUM DE M. MEISSONIER, POUR SON « 1 806 ».
(Salon du Champ de Mars.)

tion n’est que l’analyse de sa conception. 11 conduit son pinceau
comme un écrivain sa plume, avec le souci minutieux du style et la
volonté de faire concorder le verbe et la pensée jusqu’en leurs plus
subtiles nuances. Ses tableaux sont composés comme un volume de
Stendhal et fouillés comme une page de Flaubert. Chez lui, le fini de
la forme n’est pas indépendant et parfois puéril comme chez les dis-
ciples anglais des Préraphaélites; ce n’est même pas, comme chez
Alma-Tadéma et Millais, une méthode de travail appropriée au
caractère propre de la vision du peintre : c’est l’expression même de
son génie conscient et lucide. Le détail est toujours rigoureusement