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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 3.1890

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Nr. 6
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Mabilleau, Léopold: Le salon du Champ de Mars, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24447#0521

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478

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

subordonné à l’ensemble parce que l’ensemble n’apparaît jamais au
Maître qu’avec une clarté et une précision achevées. La perfection
de cet art est moins due à l’habileté consommée de l’artiste qu’à
l’impeccable probité du penseur qui ne laisse rien aux hasards de la
main.

C’est merveille que de se rendre, en quittant le Napoléon de
M. Meissonier, devant le panneau décoratif qu’expose M. Puvis de
Chavannes : on croit passer de Tacite à Virgile.

« Inter artes et naturam » est une immense toile destinée au Musée de
Rouen, où l’auteur a cherché à présenter à la fois une glorification de
la Normandie et une synthèse du génie normand. Sur une colline
adoucie d’où l’on découvre la vallée de la Seine et les toits aigus de la
vieille cité, à l’ombre tranquille des pommiers qui éclairent leurs
arcades du rose éclat de leurs fruits, des groupes sont disposés en
qui s’incarnent les symboles que le poète veut traduire à nos yeux.
A gauche, une jeune fille assise trace sur un plat de faïence le dessin
d’une fleur qu’une autre jeune fille tient à la main comme un modèle ;
deux de leurs compagnes se mêlent à la scène ; l’une étendue à terre,
se penche curieusement pour suivre le travail, l’autre, qui achève
de gravir la colline, se hâte au rendez-vous.

A droite, trois jeunes hommes dissertent ou rêvent en contem-
plant le paysage où la silhouette d’une exquise jeune femme élevant
un enfant jusqu’aux branches basses des pommiers, met un charme
souriant qui les ravit.

Au fond, des artisans arrachent à la terre des ruines précieuses,
des fûts de colonnes, des chapiteaux, un fragment de fresque repré-
sentant le poète désarçonné par Pégase. En avant s’ouvre une vasque
desséchée où montent d’étranges iris, aux formes hiératiques, aux
couleurs de songe. Deux adolescents souples et beaux traversent le
premier plan, celui-ci portant sur la tête un plateau chargé de vases
à peindre, celui-là traînant des thyrses de feuillages et des lianes qui
doivent servir à tresser des guirlandes.

Ai-je tout décrit dans cette toile si large et si pleine? Hélas ! je
n’ai rien dit encore du cadre que la nature fait aux personnages, du
ciel profond et pénétré de mystère, de la lumière tamisée et diffuse,
sans rayons et sans ombres, qui baigne également toutes choses, des
plis harmonieux et légers du terrain finement verdoyant, des arbres
symboliques et réels tout ensemble, qui forment comme un temple
vivant à la Beauté dont on vient y célébrer le culte : voilà ce que les
mots ne peuvent rendre, ce que l’analyse même doit respecter.
 
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