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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 3.1890

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Nr. 6
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Mabilleau, Léopold: Le salon du Champ de Mars, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24447#0537

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LE SALON DU CHAMP DE MARS.

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d’un poète toutes les images de la gloire, de la fortune et de l’amour,
qui ne suffisent point à le tirer de sa mélancolie. Heureusement il a
rendu cette impression, — ou plutôt il l’a, au sens propre, symbolisée,
— en la dégageant du subtil contraste des colorations associées : le
bleu clair et serein du ciel, le rose léger de l’écharpe où s’enroule
le buste de la jeune femme qui représente la Destinée, forment avec
l’épaisseur mate et sombre du velours où va se perdre son souple
corps, l’opposition la plus curieuse et la plus suggestive. La tête même
de cette femme a, dans son individualité hardie, un air d’énigme et
de défi qui en dit plus que tous les emblèmes étendus à ses pieds.

C’est là une indication pour M. Agache dont le talent déjà mûr
peut se passer désormais des traits -extérieurs ;par lesquels il souligne
souvent la signification de ses œuvres.

D’autres artistes, qu’un tel souci ne trouble guère, — et pour
cause, — méritent pourtant l’attention de la critique par l’habileté
de leur main. Tels sont : M. Courtois, qui expose divers panneaux
destinés au foyer de l’Odéon et notamment une délicieuse Lisette
surprise en plein marivaudage ; M. Charles Meissonier qui parait
suivre les traces de M. Delort avec moins de dextérité et plus de
conscience ; M. Deschamps qui s’inspire directement de la manière
de M. Ribot, mais qui en use dans un sens bien différent, pour rendre
des effets de gentillesse et d’espièglerie; enfin, Mme Madeleine Lemaire
qui applique à la peinture à l’huile les procédés de l’aquarelle et les
tonalités du pastel. Oserai-je avouer que cette transposition ne me
parait pas toujours heureuse? La jeune fille en blanc que l’artiste
nous montre fuyant à travers des roseaux fleuris, n’a ni chair ni os,
ni épaisseur ni pesanteur : elle ressemble à ces images flottantes et
transparentes que projette la lanterne magique sur la toile obscure.
Une pareille légèreté de touche peut convenir à la facture superficielle
et presque aérienne du pastelliste, qui compte sur l’illusion de pro-
fondeur produite par les fonds granuleux ; elle jure avec la solidité
de la pâte étalée au pinceau ou au couteau.

Je ne discute pas, bien entendu, le style de cette figure, dont le
tort principal est de nous priver des fleurs devant lesquelles elle se
place : j’ai appris avec surprise qu’elle représentait Ophélie ; j’avais
cru Musette ou Mimi-Pinson.

LÉOPOLD MABILLEAU.

(La suite prochainement.)
 
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