Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 3.1890)

NOTES SUR LES XYLOGRAPHES VÉNITIENS.

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nies alors par les presses vénitiennes. Les auteurs de ces vignettes
étaient des artistes sui generis, cantonnés exclusivement dans le
domaine, d’ailleurs assez large, de l’illustration. Nous venons de
retrouver dans les Archives vénitiennes un certain nombre d’actes
authentiques, attestant avec une indiscutable précision, l’existence
régulière de cette famille d’artistes. Nous les voyons demander pour
l’exercice de leur art spécial, en spécifiant leur qualité respective,
impressor, stampador, intagliador, miniator, des privilèges que le
Doge et l’Illustrissime Seigneurie s’empressent de leur accorder.

Nous donnons ici des extraits de plusieurs de ces privilèges1, en
commençant par la supplique adressée le 22 avril 1516 aux serenis-
simo principe et illustrissime) senato de Venise par l’un des plus célèbres
imprimeurs de l’époque, de Gregorius de Gregoriis [Archives de
Venise collegio notario reg. 26. c. 31] : « Havendo lo fldelissimo
vostro Gregorio de Gregorii impressor de libri investigato et tro-
vato modo de stampar offleioli de la advocata et protectrice del Stato
Vostro illustrissima Maria Vergene »... puis ce passage plus signifi-
catif : « Et etiam ha trovato modo et forma de stampare alcune cose de
desegno et precipuamente el Triumpho, et la nativita, morte, résur-
rection et ascension del nostro pientissimo Redemptore lo quale sera
bellissima inventione et la destructione de la sancta Cita de Hierusa-
lem et multe altre varie et belle inventione, che a tempi nostri non
piu trovate ne stampate... » Et, enfin, cet autre passage encore plus
probant : « Si etiam li disegni che lui fara quelli per alcuno se possino
in questa Excellentissima cita, nec etiam in territorio sudito al
Vostro Illustrissimo Dominio stampar... »

Évidemment, en affirmant qu’il a trouvé « modo et forma de
stampare alcune cose de desegno », Gregorius n’entend pas ici le
mot stampare dans le sens d’imprimer, mais dans celui de tirer des
estampes, et c’est pour cela qu’il ajoute : la quale sera bellissima
inventione, et, plus loin : multe altre varie et belle inventione. Du dernier
passage précité, on peut conclure qu’il était le propre auteur des
dessins dont les reproductions xylographiques ornent les livres en
question ; les mots li disegni che lui fara ne laissent guère de doute à
ce sujet. Cette supposition est confirmée par l’examen des bois d’un
Missalc aquilejensis Ecclcsiecâoîbusrequisitis... Anno 1510die 15septem-
bri S. Vinetis ex officina libraria Gregorii de Gregoriis (collection Bailo,

1. Quelques-uns de ces documents ont déjà été publiés ou utilisés; mais le
plus grand nombre était resté inédit.