Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 3.1890)

FRANÇOIS RUDE

(septième article1.)

XXIII

N ne se remet point tout de suite des agitations
et des émotions d’une période de passionné
labeur. Le temps qui suit l’achèvement de l’Arc
de Triomphe parait être, pour François Rude,
un temps de lassitude inquiète, de vide triste,
durant lequel son esprit, comme désœuvré, se
plaît à revivre les jours vécus et à réchauffer
les doux souvenirs. Nul grand projet ne le
tente. Nous le voyons seulement terminer la réduction de son Mer-
cure promise à M. Thiers, ébaucher le modèle d’une statue du maré-
chal de Saxe, commandée par le même ministre pour le château de
Versailles, et donner ses premiers soins à l’exécution en marbre du
Caton d'Utique de Louis Roman, dont il a, de ses mains, conduit à
bonne fin le modèle, après la mort de l’auteur. J’ai déjà touché
quelques mots de ce statuaire uni à Rude par les liens d’une si tendre
amitié et qui a été, —l’on s’en souvient, — la cause de son retour de
Bruxelles; il me sera permis, plus loin, de le faire un peu mieux
connaître. On vient de voir longuement le maître en sa vie de travail ;
nous avons à renouer, à présent, avec sa vie intime. L’année 1837 est,
pour lui, par la force des choses, une année de recueillement, où
son cœur s’écoute battre en de longues rêveries. Tâchons à retrouver
ses habitudes, suivons à la trace ses peines et ses joies.

En devenant célèbre, Rude n’a rien perdu de sa simplicité ; il n’a
même pas quitté ce petit atelier plus que modeste de la rue d’Enfer
où nous lui avons déjà rendu visite. Comme autrefois, la terre battue

I. Yoy. Gazette des Beaux-Arts, 21» période, t. XXXVII, p. 353 et t. XXXVIII,
p. 103 et 408; 3' période, t. I, p. 213, t. II, p. 583 et t. III, p. 185.