Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 3.1890

DOI Heft:
Nr. 6
DOI Artikel:
Fourcaud, Louis de: François Rude, 7
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.24447#0550

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
506

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

la marque des natures plébéiennes arrivées, par l’aisance, aux
conditions de la petite bourgeoisie. Plébéien, d’ailleurs, Rude l’est
et le sera toujours jusqu’en ses moelles avec délices. La supériorité
du rang ou de la fortune, qu’il n’envie en aucun cas, l’éblouit et
l’intimide toujours. Constamment intéressant, presque éloquent
parfois, dans ses conversations avec ses intimes, vis-à-vis des étran-
gers, il se réserve, il se replie, ne trouvant pas ses mots, ne sortant
point des questions banales.

Les gens de sa rue le connaissent et lui parlent familièrement
quand il va, le broc en main, tirer de l’eau de la fontaine voisine ou
quand il vient respirer l’air devant la porte de la maison, en faisant
tourbillonner, dans le sens du vent, la fumée de sa pipe. Hors des
centres populaires, on le sent dépaysé. Depuis des années, à la belle
saison, ayant fréquemment mal aux nerfs, sa coutume est d’aller
faire une grande promenade aux environs de Paris, le dimanche,
avec sa femme. Un jour, il réfléchit qu’il lui serait excellent d'avoir,
quelque part, à portée des champs, une maisonnette où se reposer,
chaque semaine, du samedi soir au lundi matin. De quel côté s’orien-
tera-t-il pour réaliser ce dessein ? — Du côté de la vallée de la Bièvre,
la région la plus sauvage, la plus grossière de la banlieue. Son choix
se fixe bientôt sur une bicoque entourée d’un jardinet, entre Arcueil
et Bourg-la-Reine, à Cachan, village très pauvre, habité de carriers et
de blanchisseurs. On essaye de le détourner d’une résolution pareille.
Pourquoi louer en un tel endroit, si écarté, si périlleux peut-être?
Des Parisiens y auront à subir les tracasseries d’implacables rustres.
Il leur faudra, bon gré, mal gré, quitter la partie. « Bah ! dit Rude,
nous verrons bien... » Et, de fait, il ne tarde guère à faire amitié
avec ces indigènes farouches, blanchisseurs et carriers, au point de
leur disputer, au cabaret, la palme au jeu de billard. Le fils du
poèlier dijonnais est resté, en se développant, fidèle à son origine :
homme du peuple, essentiellement.

Mais, auprès de ces vulgarités frustes, il y a, en Rude, des
délicatesses de plus en plus éveillées, de plus en plus profondes qu’il
voue à sa femme avec un culte de tendresse. De même qu’aux pre-
miers jours de son mariage, il voit en elle un être d’une essence
supérieure à la sienne, qui l’inspire, qui le protège et lui a fait trop
d’honneur en s’unissant à lui. On dirait, à l’observer en face d’elle,
d’un colosse chargé de garder un enfant et craignant, à chaque mou-
vement qu’il hasarde, de l’étouffer ou de le meurtrir. Non seulement
il l’aime, mais encore il l’admire. Pour rien au monde il ne pren-
 
Annotationen