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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 3.1890

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Nr. 6
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Fourcaud, Louis de: François Rude, 7
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https://doi.org/10.11588/diglit.24447#0556

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512

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

Mais, dès que les grands sujets s’épuisent, Rude, instinctivement,
se retourne vers le passé et, par une insensible pente, c’est toujours
de Roman qu’il en revient à parler. Ils s’étaient liés de si bonne
heure, chez Cartellier, et d’un tel cœur! Roman, plus jeune que lui
de huit ans, ne lui ressemblait guère : un pur Parisien de Paris,
délié, fin comme l’ambre, insouciant, aimant les spectacles et les
plaisirs, un peu railleur de nature, mais délicat, franc, dévoué, cor-
dial, d’àme généreuse. Lorsque Rude a obtenu le grand prix de
sculpture, en 1812, sur le sujet d' Aristée pleurant ses abeilles, Roman,
qui lui a disputé la palme, qui a même remporté le second prix, a
manifesté sa joie en lui sautant au cou. Leurs tendances n’étaient
pas absolument pareilles, l’un aspirant à la force, l’autre doué pour
la grâce, mais tous deux également honnêtes et désireux de sortir de
pair. Depuis 1815, ils s’étaient perdus de vue sans s’oublier. Rude,
en Belgique, gagnait durement son pain; Roman enlevait le prix de
Rome en 1816, partait pour l’Italie, moissonnait, au retour, de
bonnes commandes, comme la statue du Saint-Victor, destinée à
l’église Saint-Sulpice et VEntrée du duc d’Angoulême à Madrid, l’un
des bas-reliefs de l’Arc de Triomphe du Carrousel, et sculptait,
encore, pour son contentement d’artiste, un groupe important de
Nisus et Euryale. Comment les deux amis se sont retrouvés à
Bruxelles, et comment Rude a cédé au conseil de Roman en repre-
nant le chemin de Paris, nous le savons assez, mais c’est ce que le
sculpteur de l’Etoile ne peut s'empêcher de redire. Ignorez-vous que,
sur ces entrefaites, Roman est devenu un personnage, presque une
autorité? Bon compagnon, aimable, doux, heureux, chacun le pousse
et tout lui est facile. On le décore, on l’élit membre de l’Institut, il a
je ne sais combien de morceaux décoratifs à exécuter pour la cour
du Louvre, pour la Madeleine, pour la Bourse... « Prends garde de
te laisser gagner à l’art officiel, lui répète Rude, en souriant. »
Bah! Il se sent jeune et solide. Du diable s’il n’a pas le temps de
faire des œuvres à son goût, par la suite, et qui vaudront au moins
sa Baigneuse, si fort prisée au Salon de 1831 ! Pour l’instant, il
n’a rien de plus à cœur que de carillonner les mérites de son
camarade, sous la virile influence duquel il finit par entreprendre
son Caton d'Utique lisant le Phédon au moment de se donner la mort.
Mais quelle fatalité se joue de ses espérances! Un malaise lui
vient; un mal secret le ronge; en quelques mois, il est méconnais-
sable. D’abord, il se raidit, s’obstine à travailler, pris d’une plus
grande fièvre de production à mesure qu’il se mine. Tout d’un coup,
 
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