Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 4.1890

DOI Heft:
Nr. 4
DOI Artikel:
Bouchot, Henri: Jean Foucquet, 1
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.24448#0303

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
274

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

avant les premiers prodromes de notre Renaissance, dans le fracas
des armées et la belle insouciance des arts, cent ans devant Raphaël,
à peu près seul de son espèce, rare phénix venu par hasard au
monde, un prodigieux, un impeccable peintre, un maître, dessinait
obscurément de petits chefs-d’œuvre sur le parchemin des livres. Et
ce qu’il écrivait ainsi à la façon des moines, dans une maison perdue
de la ville de Tours, c’était, sans qu’il s’en fût douté, toute la chro-
nique de la vie journalière, la naïve et attachante notule des mœurs,
des usages et des goûts chez les immédiats contemporains de Jeanne
d’Arc; c’était, sous couleur de raconter les légendes bibliques ou
romaines, la subtile adaptation des misères ou des joies traversées
par lui, les gloires ou les sottises païennes habillées à la française.

Jean Foucquet, de son nom, avait trop peu compté d’abord pour
qu’on eût gardé souvenance de son lieu d’origine, de l’an qu’il naquit,
des maîtres qui lui mirent en main le pinceau ou la plume; il a
laissé pour ses meilleurs tenants le mystère insondable. Par induc-
tions on l’a fait naître dans le premier quart du xve siècle, quelque
dix années avant les prouesses de la Pucelle d’Orléans, parmi les
désarrois et les bagarres. De meilleures raisons lui assignent comme
date de mort l’année 1480. Il ne lui a manqué qu’un Yasari pour lui
donner sa vraie place dans le monde, et aussi peut-être bien des
princes capables de le comprendre et de le pousser. Au lieu de cette
fortune il demeura voué, par ses travaux mêmes, à l’oubli des biblio-
thèques; vignettiste et enlumineur d’ouvrages recherchés pour autre
chose que pour leurs figures, Foucquet a pu franchir quatre siècles,
à peu près innommé, à peine regardé, confondu dans la masse de ses
confrères, perdu avec eux et par eux. Et tout à coup de notre temps,
exhumé par d’excellentes volontés, ramené au jour, il nous est
apparu comme une personnalité trop haute pour s’être faite seule. On
l’a dit, je ne sais plus bien où, descendu des Flandres, éduqué par
l’Italie, comme si d’autres eussent écrit avant lui d’aussi définitifs et
troublants poèmes. A la grande rigueur nous le pourrions croire
disciple des miniateurs fameux du duc de Berry, primitivement
imbu de leurs théories, s’il ne les dépassait de tant qu’on en vient
à douter de leur influence sur lui.

Inventeur du naturalisme, il ne l'est pas; cette phase singulière
et plus parfaite de l’art succédant aux hiératismes contorsionnés des
vieux, cette note vraie et charmeresse, plusieurs l’avaient connue
auparavant, qui lui avaient su donner une mièvrerie tendre et alan-
guie. Mais ceux-là s’en tinrent au réalisme extérieur, si je puis dire,
 
Annotationen