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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
que cette obligation de renoncer au milieu où avait grandi son talent,
aux solides relations de sa jeunesse. Mais l’histoire nous fait à ce
.sujet une confidence. Elle assure que le départ d’Anvers, équivalait
pour le peintre à la rupture de liens dont la puissance était faite pour
inspirer à sa prévoyante belle-mère des craintes assez légitimes.
Menteuse incorrigible, la fille que Breughel eut sans doute prise pour
femme en l’absence de ce défaut, fut mise à l’épreuve d’une façon ori-
ginale et qui cadre bien avec la tournure d’esprit de son amant. Tout
nouveau mensonge ajoutait un cran à la taille de bois où le peintre
dressait le compte des manquements à la vérité dont sé rendait
coupable sa maîtresse. La taille une fois remplie — ce qui ne tarda
guère en dépit d’avertissements répétés — la rupture fut complète
entre les amoureux.
Personne, jusqu’à ce jour, ne nous avait donné la date du mariage
de Breughel, importante surtout à cause de sa coïncidence avec la
venue du peintre à Bruxelles. Les registres de l’ancienne paroisse de
Notre-Damedela Chapelle prouvent que l’union fut célébrée à l’époque
des fêtes de Pâques 1563. C’était la date probable.
Les millésimes recueillis sur les œuvres de Breughel tendent à
faire croire qu’il approchait de la trentaine à l’époque où, pour la
première fois, il mania le pinceau. A première vue, là c’est chose
singulière. Il n’en est pas moins vrai que la plus ancienne peinture
datée de Breughel est de 1558’.
Cette date unique, jusqu’à ce jour *, figure sur un tableau de
la galerie Liechtenstein, à Vienne. Le sujet est des moins drôles.
Il s’agit d’une scène de pillage, spectacle fréquent dans les cam-
pagnes flamandes, au xvie siècle.
L’œuvre que nous signalons a cessé de figurer au catalogue ;
elle n’est heureusement point exclue de la galerie. L’ancien livret la
désignait comme une attaque de brigands, ce qui n’était qu’à moitié
précis, attendu que nous sommes en présence de soldats, soldats dou-
teux, transformés en larrons, eût dit le poète. La femme, repoussée à
coups de pieds par un des pillards, joint les mains dans l’attitude
de la prière. Elle demande la grâce de son mari à qui un second sou-
dard a déjà passé au cou le nœud qui doit servir à le pendre.
Van Mander n’a pas mentionné ce tableau, fait pour éveiller en
lui le souvenir poignant d’une aventure presque analogue où il faillit
périr.
4. C'est sans doute par inadvertance que M. Wœrmann, dans son Histoire de la
Peinture, fait dater de 4558 les Aveugles du Musée de Naples.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
que cette obligation de renoncer au milieu où avait grandi son talent,
aux solides relations de sa jeunesse. Mais l’histoire nous fait à ce
.sujet une confidence. Elle assure que le départ d’Anvers, équivalait
pour le peintre à la rupture de liens dont la puissance était faite pour
inspirer à sa prévoyante belle-mère des craintes assez légitimes.
Menteuse incorrigible, la fille que Breughel eut sans doute prise pour
femme en l’absence de ce défaut, fut mise à l’épreuve d’une façon ori-
ginale et qui cadre bien avec la tournure d’esprit de son amant. Tout
nouveau mensonge ajoutait un cran à la taille de bois où le peintre
dressait le compte des manquements à la vérité dont sé rendait
coupable sa maîtresse. La taille une fois remplie — ce qui ne tarda
guère en dépit d’avertissements répétés — la rupture fut complète
entre les amoureux.
Personne, jusqu’à ce jour, ne nous avait donné la date du mariage
de Breughel, importante surtout à cause de sa coïncidence avec la
venue du peintre à Bruxelles. Les registres de l’ancienne paroisse de
Notre-Damedela Chapelle prouvent que l’union fut célébrée à l’époque
des fêtes de Pâques 1563. C’était la date probable.
Les millésimes recueillis sur les œuvres de Breughel tendent à
faire croire qu’il approchait de la trentaine à l’époque où, pour la
première fois, il mania le pinceau. A première vue, là c’est chose
singulière. Il n’en est pas moins vrai que la plus ancienne peinture
datée de Breughel est de 1558’.
Cette date unique, jusqu’à ce jour *, figure sur un tableau de
la galerie Liechtenstein, à Vienne. Le sujet est des moins drôles.
Il s’agit d’une scène de pillage, spectacle fréquent dans les cam-
pagnes flamandes, au xvie siècle.
L’œuvre que nous signalons a cessé de figurer au catalogue ;
elle n’est heureusement point exclue de la galerie. L’ancien livret la
désignait comme une attaque de brigands, ce qui n’était qu’à moitié
précis, attendu que nous sommes en présence de soldats, soldats dou-
teux, transformés en larrons, eût dit le poète. La femme, repoussée à
coups de pieds par un des pillards, joint les mains dans l’attitude
de la prière. Elle demande la grâce de son mari à qui un second sou-
dard a déjà passé au cou le nœud qui doit servir à le pendre.
Van Mander n’a pas mentionné ce tableau, fait pour éveiller en
lui le souvenir poignant d’une aventure presque analogue où il faillit
périr.
4. C'est sans doute par inadvertance que M. Wœrmann, dans son Histoire de la
Peinture, fait dater de 4558 les Aveugles du Musée de Naples.