LES SARCOPHAGES DE SIDON.
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femmes qui décorent le pourtour de la cuve offrent dans les attitudes,
dans le traitement des costumes, dans les proportions « matronales »,
les analogies les plus frappantes avec les plus anciens bas-reliefs
funéraires, si justement célèbres, du Céramique d’Athènes. Ce sont
les sœurs d’Hégéso et de Démétria. L’idée de ce chœur de douces
gardiennes, veillant autour du cercueil où repose leur maître et leur
ami, cette idée en elle seule est un trait de génie dans sa simplicité
expressive. Et comme les colonnes ioniques marient heureusement
leurs formes gracieuses avec les charmantes silhouettes de femmes
debout ou appuyées contre la balustrade! Comme l’artiste a su varier
les poses, les gestes, les sobres et chastes plis des draperies, sans
jamais sortir de son thème unique : une tristesse'sereine, ennoblie
par un rayon d’en liant, également éloignée de la froide impassibilité
et de l’exubérance des douleurs barbares! Quel chapitre ajouté à
l’histoire de l’expression des sentiments dans la statuaire antique !
Quelle leçon de goût et d’émotion concentrée donnée à nos sculpteurs
modernes !
Le reste de la décoration sculpturale de ce merveilleux tombeau
n’offre pas moins d’intérêt. La frise inférieure qui enveloppe le socle
représente une chasse où une centaine de petits personnages, pleins
de vie et de mouvement, luttent avec des cerfs, des ours, des san-
gliers et d’autres bêtes féroces : sujet bien approprié, paraît-il, au
caractère du défunt, puisqu’on a trouvé, reposant avec lui, les osse-
ments de ses quatre lévriers favoris. Quatre sphinx couronnent les
angles du couvercle en guise d’acrotères. Les tympans des frontons
encadrent deux groupes de trois pleureuses, couchées autour du
tertre funéraire. Enfin, l’on remarquera sur notre héliogravure une
sorte de balustrade qui, par une disposition jusqu’à présent unique,
fait tout le tour du toit et passe derrière les frontons. Sur ses deux
grandes faces se déroulent deux cortèges funéraires exactement
semblables, où l’on voit le sarcophage à couvercle arrondi, tel qu’on
l’a souvent rencontré en Phénicie, s’acheminant vers le champ des
morts sur un chariot traîné par quatre chevaux. Il y a là l’obser-
vation d’une coutume toute particulière, absolument étrangère aux
mœurs de la Grèce continentale, où le mort était toujours porté au
tombeau la face découverte, sur le lit funèbre qui avait servi au
premier acte des funérailles, la prothesis.
Les deux autres sarcophages qui complètent cette série de chefs-
d’œuvre ne figurent point parmi nos illustrations : le premier,
malgré la haute qualité artistique de ses bas-reliefs, qui représentent
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femmes qui décorent le pourtour de la cuve offrent dans les attitudes,
dans le traitement des costumes, dans les proportions « matronales »,
les analogies les plus frappantes avec les plus anciens bas-reliefs
funéraires, si justement célèbres, du Céramique d’Athènes. Ce sont
les sœurs d’Hégéso et de Démétria. L’idée de ce chœur de douces
gardiennes, veillant autour du cercueil où repose leur maître et leur
ami, cette idée en elle seule est un trait de génie dans sa simplicité
expressive. Et comme les colonnes ioniques marient heureusement
leurs formes gracieuses avec les charmantes silhouettes de femmes
debout ou appuyées contre la balustrade! Comme l’artiste a su varier
les poses, les gestes, les sobres et chastes plis des draperies, sans
jamais sortir de son thème unique : une tristesse'sereine, ennoblie
par un rayon d’en liant, également éloignée de la froide impassibilité
et de l’exubérance des douleurs barbares! Quel chapitre ajouté à
l’histoire de l’expression des sentiments dans la statuaire antique !
Quelle leçon de goût et d’émotion concentrée donnée à nos sculpteurs
modernes !
Le reste de la décoration sculpturale de ce merveilleux tombeau
n’offre pas moins d’intérêt. La frise inférieure qui enveloppe le socle
représente une chasse où une centaine de petits personnages, pleins
de vie et de mouvement, luttent avec des cerfs, des ours, des san-
gliers et d’autres bêtes féroces : sujet bien approprié, paraît-il, au
caractère du défunt, puisqu’on a trouvé, reposant avec lui, les osse-
ments de ses quatre lévriers favoris. Quatre sphinx couronnent les
angles du couvercle en guise d’acrotères. Les tympans des frontons
encadrent deux groupes de trois pleureuses, couchées autour du
tertre funéraire. Enfin, l’on remarquera sur notre héliogravure une
sorte de balustrade qui, par une disposition jusqu’à présent unique,
fait tout le tour du toit et passe derrière les frontons. Sur ses deux
grandes faces se déroulent deux cortèges funéraires exactement
semblables, où l’on voit le sarcophage à couvercle arrondi, tel qu’on
l’a souvent rencontré en Phénicie, s’acheminant vers le champ des
morts sur un chariot traîné par quatre chevaux. Il y a là l’obser-
vation d’une coutume toute particulière, absolument étrangère aux
mœurs de la Grèce continentale, où le mort était toujours porté au
tombeau la face découverte, sur le lit funèbre qui avait servi au
premier acte des funérailles, la prothesis.
Les deux autres sarcophages qui complètent cette série de chefs-
d’œuvre ne figurent point parmi nos illustrations : le premier,
malgré la haute qualité artistique de ses bas-reliefs, qui représentent