418
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
bois, c’est de se prêter facilement à l’œuvre de reproduction, de
vulgarisation, qui est sa raison d’être, sans quoi je ne vois pas bien
l’utilité des longs et pénibles travaux manuels qu’elle nécessite : si
l’on est condamné à tirer à petit nombre, à cause de la lenteur et du
coût du procédé, autant vaut recourir au coloriage à la main ou aux
procédés de gravure en creux, dont l’on peut obtenir des estampes de
qualité plus fine et partant supérieures au point de vue de l’art
comme au point de vue marchand. Je me bornerai donc à admirer
l’ingéniosité des compositions de M. Rivière, le grand air, voisin du
style, de certaines, surtout de celles où l’artiste ne s’est pas trop
souvenu des Japonais. Il est bon de s’inspirer des leçons de simplifi-
cation que nous donnent ces exotiqnes, mais je ne crois pas que nous
ayons rien à gagner à nous approprier leur façon tout à fait conven-
tionnelle de dessiner. D’ailleurs, la vieille Europe n’a pas attendu
leur venue pour faire de belles images en couleurs depuis Dürer et
Hugo de Carpi, jusqu’à nos délicieux petits-maîtres du xvme siècle.
Il faut signaler encore d’intéressantes planches en couleurs de
M. Henry Guérard. Le portrait de son enfant, reproduit en eaux-
fortes de couleurs, par superposition de planches, est une œuvre
élégante et fine, avec je ne sais quelle grâce de primitif italien; il a
en outre plusieurs camaïeux simplement traités, comme il convient,
et d’une belle venue. D’ailleurs, tous les moyens sont bons à
M. Guérard ; il sait les assouplir à sa main et de tout faire œuvre d’art.
Nous avons à peine besoin de rappeler le mérite du dessinateur et
de l’aquafortiste dans cette revue où il collabore depuis si longtemps,
mais son exposition nous découvre des côtés nouveaux de son talent
original et inventif et nous devons les signaler. On lui doit, ou peu
s’en faut, la découverte d’un procédé de décoration du bois par la
gravure au fer chaud : la pyrographie produit sous ses doigts habiles
des panneaux décoratifs d’un ton à la fois doux et généreux où
l’ivoire se marie à l’ambre, la sépia au bitume; c’est le fer rouge, ou
mieux le thermocautère qui, manié comme un fusain, produit le dessin
et toute l’échelle des colorations, tantôt roussissant à peine l’épiderme
du bois, tantôt y creusant des sillons aux arêtes noircies par le feu,
où l’ombre se concentre chaude et vibrante.
L’Exposition des peintres-graveurs nous ménage d’autres sur-
prises et ce ne sont pas les moindres puisque nous y avons en
quelque sorte la révélation d’un artiste rare. M. Helleu n’est certes
pas un nouveau venu; ses faïences décorées et plus tard ses pastels,
d’une harmonie exquise dans une gamme de tons qui lui est person-
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
bois, c’est de se prêter facilement à l’œuvre de reproduction, de
vulgarisation, qui est sa raison d’être, sans quoi je ne vois pas bien
l’utilité des longs et pénibles travaux manuels qu’elle nécessite : si
l’on est condamné à tirer à petit nombre, à cause de la lenteur et du
coût du procédé, autant vaut recourir au coloriage à la main ou aux
procédés de gravure en creux, dont l’on peut obtenir des estampes de
qualité plus fine et partant supérieures au point de vue de l’art
comme au point de vue marchand. Je me bornerai donc à admirer
l’ingéniosité des compositions de M. Rivière, le grand air, voisin du
style, de certaines, surtout de celles où l’artiste ne s’est pas trop
souvenu des Japonais. Il est bon de s’inspirer des leçons de simplifi-
cation que nous donnent ces exotiqnes, mais je ne crois pas que nous
ayons rien à gagner à nous approprier leur façon tout à fait conven-
tionnelle de dessiner. D’ailleurs, la vieille Europe n’a pas attendu
leur venue pour faire de belles images en couleurs depuis Dürer et
Hugo de Carpi, jusqu’à nos délicieux petits-maîtres du xvme siècle.
Il faut signaler encore d’intéressantes planches en couleurs de
M. Henry Guérard. Le portrait de son enfant, reproduit en eaux-
fortes de couleurs, par superposition de planches, est une œuvre
élégante et fine, avec je ne sais quelle grâce de primitif italien; il a
en outre plusieurs camaïeux simplement traités, comme il convient,
et d’une belle venue. D’ailleurs, tous les moyens sont bons à
M. Guérard ; il sait les assouplir à sa main et de tout faire œuvre d’art.
Nous avons à peine besoin de rappeler le mérite du dessinateur et
de l’aquafortiste dans cette revue où il collabore depuis si longtemps,
mais son exposition nous découvre des côtés nouveaux de son talent
original et inventif et nous devons les signaler. On lui doit, ou peu
s’en faut, la découverte d’un procédé de décoration du bois par la
gravure au fer chaud : la pyrographie produit sous ses doigts habiles
des panneaux décoratifs d’un ton à la fois doux et généreux où
l’ivoire se marie à l’ambre, la sépia au bitume; c’est le fer rouge, ou
mieux le thermocautère qui, manié comme un fusain, produit le dessin
et toute l’échelle des colorations, tantôt roussissant à peine l’épiderme
du bois, tantôt y creusant des sillons aux arêtes noircies par le feu,
où l’ombre se concentre chaude et vibrante.
L’Exposition des peintres-graveurs nous ménage d’autres sur-
prises et ce ne sont pas les moindres puisque nous y avons en
quelque sorte la révélation d’un artiste rare. M. Helleu n’est certes
pas un nouveau venu; ses faïences décorées et plus tard ses pastels,
d’une harmonie exquise dans une gamme de tons qui lui est person-