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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 8.1892

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Nr. 1
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Pottier, Edmond: Les Salons de 1892, 2, La sculpture
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https://doi.org/10.11588/diglit.24661#0022
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

membres, ni de la fixité du regard auxquels M. Jacobsen a eu recours.
C’est qu’il est rare aujourd’hui de voir des gens tout nus se livrer à
ce paisible divertissement, tandis qu’en Grèce on ne voyait jamais
un athlète autrement. Dans le sujet grec, le nu a été une étude
minutieuse de la réalité ; dans le sujet moderne, c’est une académie
et une convention.

Prenons, par contraste, le Morphée de M. John; il dort, les deux
mains posées sur la tête. C’est l’attitude d’un célèbre antique qui
représente probablement Eros ou Hypnos et qu’on appelle assez
prétentieusement « le Génie du repos éternel ». Là encore, il serait
instructif de vérifier pour quelles causes l’œuvre moderne ne donne
point l’impression de langueur et de complète indolence qui fait le
charme du morceau grec. Le Morphée dort parce qu’il aies yeux clos,
mais son corps ne dort pas. Ce n’est pas cet arrêt de toute dépense
musculaire, de respiration, qui dans la statue du Louvre exprimerait
encore le repos, même si la tête était absente.

Je ne me donne pas ici le plaisir facile d’écraser sous des chefs-
d’œuvre quelques honnêtes et consciencieuses études. Je choisis ces
exemples comme typiques pour montrer que nos contemporains, en
s’inspirant des anciens, oublient trop souvent de s’assimiler leur sens
esthétique, leur fine intelligence des formes nues, toutaussi éloquentes
et expressives que les gestes et les traits du visage. Je regrette de ne
pas sentir dans Y Icare de M. Maillard l’effet de la chute effroyable
que vient de faire ce corps d’enfant, dans Ylsaac de M. Balloni
l’attente de l’effrayant sacrifice, dans le Saint Saturnin de M. Seysses
la douloureuse agonie d’un corps supplicié. Ce sont de bonnes copies
d’après un modèle et voilà tout. Que dire de l’antique compris
comme un prétexte à poses mignardes et contournées, de YArakné
jouant avec sa toile, de la Kypris couverte de bijoux, de YAmphitrite
en boudeuse, avec un doigt sur la bouche, du Rêve d'amour avec
l’attirail obligé des colombes se becquetant et du malin Cupidon?Que
dire de l’exercice du Javelot, mis entre les mains d’une jeune femme
pour représenter le pentathle, c’est-à-dire le concours grec des
athlètes? Que de contresens matériels et intellectuels !

Consolons-nous en regardant des œuvres mieux venues, comme la
Chèvre et la Bacchante de M. Soulès, la Cigale de M. Convers, la Made-
leine de M. Bastet. N’oublions pas surtout le Paysan du Danube de
M. Vidai, une des plus fortes œuvres de l’année dans le genre clas-
sique. Arrêtons-nous enfin, au Champ-de-Mars, devant la Femme
couchée de M. Saint-Marceauxet, aux Champs-Elysées, devant le Repos
 
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