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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 8.1892

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Nr. 1
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Wyzewa, Teodor de: Thomas Lawrence et la Société anglaise de son temps, 4
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https://doi.org/10.11588/diglit.24661#0077

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G8

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

avait vécu soixante et un ans. Il fut enterré en grande pompe dans
l’église cathédrale de Saint-Paul à côté de son maître Reynolds.

Les Anglais, ses compatriotes affectent aujourd’hui de le dédai-
gner. Il s’est, en effet, trop soucié de la mode dans ses portraits, et
c’est un jeu plein de dangers. Mais si l’apparence superficielle de ses
portraits a de quoi sembler démodée, il reste au-dessous d’elle, dans
l’œuvre de Lawrence, un fond qui ne se démodera point et qui se
laissera voir toujours à ceux qui aiment la peinture. Les portraits de
Lawrence ont beau nous présenter des personnages vêtus de costumes
ridicules, dans des décors ridicules, souvent même avec des gestes
et des expressions ridicules : ils sont de la peinture. On sent qu’ils
traduisent la vision d’un œil de peintre ; le dessin et la couleur révèlent
la main d’un peintre; et il y a dans la figure une vie spéciale qui n’a
pu être conçue et rendue que par l’àme d’un peintre. Il n’y a pas en
Angleterre un portraitiste qui ait eu autant ni aussi spontanément
que Lawrence toutes les qualités pour ainsi dire matérielles du
peintre, cet ensemble de qualités purement picturales qui constituent
le métier. Reynolds avait infiniment plus de science et de goût.
Gainsborough était infiniment davantage un artiste et un poète;
Romney même avait un sentiment plus délicat de l’élégance, et
Hoppner une plus grande profondeur d’expression. Mais Lawrence
était plus peintre que tous ces maîtres réunis : il sentait mieux la vie
spéciale des chairs, l’agrément intrinsèque de lignes et de couleurs.
Il était peintre comme personne ne l’avait été depuis Rubens.

De là ce culte que lui ont toujours gardé les amants de la peinture.
Eugène Delacroix, pour ne citer que celui-là, admirait Lawrence à
l’égal des plus grands maîtres. Il reconnaissait en lui «c un vrai
peintre », un homme pour lequel un beau rouge avait une valeur en
soi ; c’était assez pour qu’il lui pardonnât son manque de fantaisie, la
monotonie de sa composition, et le caractère trop souvent convenu
de son expression. Nous aussi, pardonnons-lui tout cela. Jamais un
artiste n’eut plus de droit à notre indulgence; car jamais un artiste
n’a été plus passionné pour son art, plus désireux de bien faire, et plus
sincèrement, et plus cruellement, et plus injustement, sévère pour
lui-même.

T. DE WYZEWA.
 
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