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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 8.1892

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Nr. 5
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Wyzewa, Teodor de: L' exposition des arts de la femme au Palais de l'industrie
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https://doi.org/10.11588/diglit.24661#0409
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374

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

qu'une couturière de génie avait eu l’idée d’exposer à sa vitrine !
Tous les jours on la rhabillait, elle était le canon de l’élégance pour
le monde entier. Et bientôt tout Paris et le monde entier se remplit
de poupées du même genre, jusqu’au jour où la poupée fut remplacée
par la gravure de modes. Grâce à elle, « les étrangers ne seront plus
obligés à faire des poupées, des mannequins toujours imparfaits et
très chers, qui ne donnent tout au plus qu’une nuance de nos modes. »
Ainsi parlait, en 1786, la rédaction du Cabinet clés modes.

A défaut de la poupée de la rue Saint-Honoré, j’ai trouvé à l’Expo-
sition du Palais de l’Industrie une abondante collection de portraits
destinés à renseigner sur l’histoire des modes féminines françaises
antérieures aux gravures de modes. Dans les salles VII, IX et XI,
notamment, j’ai vu des portraits de femmes de toutes les époques;
tous sont pleins d’intérêt pour les documents qu’ils nous donnent,
quelques-uns ont, en outre, une réelle valeur artistique. Je me
rappelle des portraits en pied du xvn° siècle, des dessins de Boilly,
quelques groupes aussi de l’Ecole de David, qui mériteraient de
figurer dans une exposition de portraits. Parmi les noms des collec-
tionneurs qui les ont exposés, j’ai relevé ceux de MM. Beurdeley,
Maciet, de Biencourt, Deligant, Jadin, Droz, de la duchesse de
Luynes, de Mraes Spitzer, Lenoir, Goffart, Grandjean, etc. C’est là
une partie de l’Exposition que je ne saurais trop recommander aux
amateurs de belle peinture : ils s’arrangeront, au surplus, pour y
faire la part du beau et du médiocre.

J’avoue que, pour ma part, tous les portraits de femmes —
ceux d’aujourd’hui exceptés que je trouve très laids— me paraissent
pleins de charme et de beauté. Il n’y en a pas de si mal peints où
je ne sente comme un reflet de l’émotion du peintre en face de son
modèle. Je connais dans mon quartier, aux Batignolles, un petit
marchand de bric-à-brac qui s’arrange toujours pour dénicher de ces
portraits de femmes anonymes, quelques-uns exécutés par des élèves
de Gérard, d’autres par les élèves d’Ingres ou de Flandrin : il en a
orné toute la devanture de sa boutique, c’est un enchantement pour
les yeux et le cœur. Quels gracieux sourires, quelle variété de jolis
gestes et de touchants regards ! Et quelle abondance de harpes, de
belles harpes mettant bien en valeur la sveltesse des bras et les
rondeurs de la gorge ! Et comme il faudrait avoir l’âme noire, après
cela, pour remarquer la mollesse du dessin ou les fautes du métier !
Les malheureux peintres! Ils auront obtenu, en échange de ces
portraits, un sourire des modèles, les filles, sans doute, de quelques
 
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