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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
deur des formes, ce que ne rendait pas indispensable le goût
accoutumé du peintre, et donnent au ton une lourdeur dont l’œuvre
est exempte, en cette partie, même après la longue et pesante
collaboration des ans.
Le Brun, cependant, peu après avoir mis la dernière main au
décor de l’hôtel du président Lambert, fut appelé à orner une demeure
autrement importante, plus belle même que la plupart des maisons
royales d’alors.
Fouquet avait hérité de son père l’amour des collections. Le
père s’était laissé prendre par « la grippe » des médailles et des
livres, —je me sers de l’expression usitée à l’époque; — le fils,
saisi de la même « grippe », l’aggrava de plusieurs autres, de celles
des riches curiosités, des objets singuliers, des tableaux, des statues,
des estampes, des antiques, et, comme il avait le flair du véritable
amateur, par surcroît la fortune et la puissance, sa maison de Saint-
Mandé, où Mazarin, fin connaisseur, le vint souvent visiter, où Le
Brun avait peint un plafond, regorgea de merveilles sans nombre,
des raretés les plus diverses de tous les âges, de tous les pays. Se
trouvant là à l’étroit, pour cette cause, et pour d’autres peut-être,
il fit construire le château de Vaux-le-Vicomte.
Cette résidence fut l’œuvre collective de Le Vau, de Le Nôtre, de
Le Brun. L’architecte dressa les plans, éleva les constructions qui
sont immenses ; Le Nôtre rasa trois villages pour tracer un parc de
huit cents arpents (un peu moins de trois cents hectares), et Le Brun,
qui embellit tout d’ornements infinis, de vases, de termes, de groupes
exécutés sur ses indications ou sur ses dessins, entreprit, aidé de
Baudren Yvart, peintre de figures, de Lallemand, peintre de gro-
tesques, de Monnoyer, pour les fleurs, de décorer l’appartement de
Mme la surintendante. Cet appartement s’ouvre sur la salle des
gardes, à droite : une antichambre, la chambre à coucher, pièces de
grande dimension, très ajourées, et un petit salon.
Au plafond de l’antichambre, dans le compartiment rectangulaire
du milieu, dont le peintre a trop ménagé, il me semble, les dimen-
sions, est le Triomphe d'Hercule. Sur un char attelé de deux chevaux, le
demi-dieu est debout appuyé sur sa massue; la Raison guide les
coursiers, une épée nue à la main; un peu au-dessus, la trompette
aux lèvres, la Renommée sonne une victorieuse fanfare ; en arrière,
la Gloire couronne le héros, et, au sommet, siège le conseil des dieux.
A l’hémicycle qui termine la galerie de l’hôtel Lambert, du côté
de la rivière, Le Brun avait peint le même sujet. Le nombre, le rôle
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
deur des formes, ce que ne rendait pas indispensable le goût
accoutumé du peintre, et donnent au ton une lourdeur dont l’œuvre
est exempte, en cette partie, même après la longue et pesante
collaboration des ans.
Le Brun, cependant, peu après avoir mis la dernière main au
décor de l’hôtel du président Lambert, fut appelé à orner une demeure
autrement importante, plus belle même que la plupart des maisons
royales d’alors.
Fouquet avait hérité de son père l’amour des collections. Le
père s’était laissé prendre par « la grippe » des médailles et des
livres, —je me sers de l’expression usitée à l’époque; — le fils,
saisi de la même « grippe », l’aggrava de plusieurs autres, de celles
des riches curiosités, des objets singuliers, des tableaux, des statues,
des estampes, des antiques, et, comme il avait le flair du véritable
amateur, par surcroît la fortune et la puissance, sa maison de Saint-
Mandé, où Mazarin, fin connaisseur, le vint souvent visiter, où Le
Brun avait peint un plafond, regorgea de merveilles sans nombre,
des raretés les plus diverses de tous les âges, de tous les pays. Se
trouvant là à l’étroit, pour cette cause, et pour d’autres peut-être,
il fit construire le château de Vaux-le-Vicomte.
Cette résidence fut l’œuvre collective de Le Vau, de Le Nôtre, de
Le Brun. L’architecte dressa les plans, éleva les constructions qui
sont immenses ; Le Nôtre rasa trois villages pour tracer un parc de
huit cents arpents (un peu moins de trois cents hectares), et Le Brun,
qui embellit tout d’ornements infinis, de vases, de termes, de groupes
exécutés sur ses indications ou sur ses dessins, entreprit, aidé de
Baudren Yvart, peintre de figures, de Lallemand, peintre de gro-
tesques, de Monnoyer, pour les fleurs, de décorer l’appartement de
Mme la surintendante. Cet appartement s’ouvre sur la salle des
gardes, à droite : une antichambre, la chambre à coucher, pièces de
grande dimension, très ajourées, et un petit salon.
Au plafond de l’antichambre, dans le compartiment rectangulaire
du milieu, dont le peintre a trop ménagé, il me semble, les dimen-
sions, est le Triomphe d'Hercule. Sur un char attelé de deux chevaux, le
demi-dieu est debout appuyé sur sa massue; la Raison guide les
coursiers, une épée nue à la main; un peu au-dessus, la trompette
aux lèvres, la Renommée sonne une victorieuse fanfare ; en arrière,
la Gloire couronne le héros, et, au sommet, siège le conseil des dieux.
A l’hémicycle qui termine la galerie de l’hôtel Lambert, du côté
de la rivière, Le Brun avait peint le même sujet. Le nombre, le rôle