282
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Nous le retrouvons aussi, isolé, dans la Beata Colomba de Rieti, à la
galerie de Pérouse (salle XI, n° 2). Deux des femmes ont ce regard
louche qui est caractéristique chez le Spagna, et toutes ont un teint
jaunâtre. C’est une des particularités du Spagna, comme les joues
colorées de ses hommes L
Nous avons parlé tout d’abord de l’éclat un peu criard de l’elTct
général et nous venons d’examiner les tons de chair. Il me reste à
noter quelques autres particularités de coloris habituelles au Spagna.
L'homme qui se trouve à l’extrême gauche, et que nous avons signalé
comme très différent du style du Pérugin, quant au type et au mou-
vement, diffère encore plus de ce peintre au point do vue de la
couleur. Son ample manteau est vert, d’un vert de chartreuse
que l’on ne rencontre jamais chez le Pérugin, et qui, au contraire,
est fréquent chez le Spagna. Nous retrouvons cette nuance aux
vêtements des anges suspendus dans l’espace de la Nativité du
Louvre. Le rose saumon des écharpes portées par les femmes
du Sposalizio est exactement du même ton que les draperies des
bergers, dans la même Nativité. Enfin, les gris et les bleus clairs qui
se rencontrent fréquemment dans le Sposalizio ne se retrouvent
jamais avec cetto nuance exacte dans aucun ouvrage terminé et bien
authentique du Pérugin, alors qu’ils sont fréquents dans les œuvres
les plus finies du Spagna.
Il ne conviendrait pas de retirer au Pérugin une œuvre aussi
universellement connue que le Sposalizio, et qui souvent a été
regardée comme le chef-d’œuvre de ce maître, s’il n'y avait surabon-
dance de preuves. Le lecteur, je l’espère, ne perdra pas patience, si
j’insiste sur certains détails dont la trivialité a échappé à l’effort de
l’artiste et qui, pour cette raison, nous font mieux pénétrer dans
l’intimité de son talent. Dans la Sposalizio, les oreilles ont invaria-
blement la forme que nous leur voyons dans la Madone du Louvre;
elles adhèrent aux joues d’une façon insolite et diffèrent de celles du
Pérugin par leur forme et l’ouverture de leur pavillon. Les mains
présentent un métacarpe d’une largeur presque difforme et cette
enflure de la deuxième phalange du pouce, que nous pouvons remar-
quer, non seulement dans la Madone du Louvre, mais partout chez
le Spagna. Les mains du Pérugin sont bien plus fines et délicates.
Une remarque encore plus typique est celle que l’on peut faire
I. Notamment dans le Couronnement de Todi et dans le tableau d’autel de
1510, à Saint-François d'Assise.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Nous le retrouvons aussi, isolé, dans la Beata Colomba de Rieti, à la
galerie de Pérouse (salle XI, n° 2). Deux des femmes ont ce regard
louche qui est caractéristique chez le Spagna, et toutes ont un teint
jaunâtre. C’est une des particularités du Spagna, comme les joues
colorées de ses hommes L
Nous avons parlé tout d’abord de l’éclat un peu criard de l’elTct
général et nous venons d’examiner les tons de chair. Il me reste à
noter quelques autres particularités de coloris habituelles au Spagna.
L'homme qui se trouve à l’extrême gauche, et que nous avons signalé
comme très différent du style du Pérugin, quant au type et au mou-
vement, diffère encore plus de ce peintre au point do vue de la
couleur. Son ample manteau est vert, d’un vert de chartreuse
que l’on ne rencontre jamais chez le Pérugin, et qui, au contraire,
est fréquent chez le Spagna. Nous retrouvons cette nuance aux
vêtements des anges suspendus dans l’espace de la Nativité du
Louvre. Le rose saumon des écharpes portées par les femmes
du Sposalizio est exactement du même ton que les draperies des
bergers, dans la même Nativité. Enfin, les gris et les bleus clairs qui
se rencontrent fréquemment dans le Sposalizio ne se retrouvent
jamais avec cetto nuance exacte dans aucun ouvrage terminé et bien
authentique du Pérugin, alors qu’ils sont fréquents dans les œuvres
les plus finies du Spagna.
Il ne conviendrait pas de retirer au Pérugin une œuvre aussi
universellement connue que le Sposalizio, et qui souvent a été
regardée comme le chef-d’œuvre de ce maître, s’il n'y avait surabon-
dance de preuves. Le lecteur, je l’espère, ne perdra pas patience, si
j’insiste sur certains détails dont la trivialité a échappé à l’effort de
l’artiste et qui, pour cette raison, nous font mieux pénétrer dans
l’intimité de son talent. Dans la Sposalizio, les oreilles ont invaria-
blement la forme que nous leur voyons dans la Madone du Louvre;
elles adhèrent aux joues d’une façon insolite et diffèrent de celles du
Pérugin par leur forme et l’ouverture de leur pavillon. Les mains
présentent un métacarpe d’une largeur presque difforme et cette
enflure de la deuxième phalange du pouce, que nous pouvons remar-
quer, non seulement dans la Madone du Louvre, mais partout chez
le Spagna. Les mains du Pérugin sont bien plus fines et délicates.
Une remarque encore plus typique est celle que l’on peut faire
I. Notamment dans le Couronnement de Todi et dans le tableau d’autel de
1510, à Saint-François d'Assise.