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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Per. 19.1898

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Nr. 3
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Bonnat, Léon: Velazquez
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https://doi.org/10.11588/diglit.24683#0191

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178

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

échappait pas, et nous ne parlions de lui qu’en le désignant respec-
tueusement par son prénom « Don Diego», ce qui, dans notre pensée,
voulait dire « le maître, le maître par excellence », tout comme les
Italiens disent Raphaël ou Michel-Ange.

Vingt ans plus tard, quand je retournai à Madrid, mes sen-
timents d’admiration furent tout aussi vifs. Jamais je n’oublierai
l’impression que me produisit le petit prince don Balthazar, si
hardiment, si fièrement campé sur son genêt d’Espagne, galopant
à travers les bruyères du Pardo ou de la Casa del Campo, tandis
que les sommets neigeux du Guadarrama brillent au loin derrière
lui. Vous souvenez-vous de cette coloration claire, limpide comme
une aquarelle, brillante comme une pierre précieuse ? N’est-ce pas
une merveille ?

Et l’adorable infante, 1a, pâle infante aux yeux bleus ! Elle est
debout, dans son costume d’apparat, les bras écartés, étalés sur
ses énormes paniers, et elle tient à la main une rose pâle comme sa
frêle personne. Est-elle assez malheureuse, la royale princesse, dans
sa splendeur et ses atours, d’être astreinte à se conformer à l’étiquette
rigoureuse de la cour ! Ne la plaignons pas trop toutefois : elle passe
à la postérité grâce au génie du grand maître. Peut-on, en effet, voir
un portrait plus ravissant que le sien ? Ces tons gris, rosés, argentins,
ces cheveux cl’un blond cendré, ces nœuds, ces rubans, le tout se
détachant sur des tentures rouges, carmin, violacées, que sais-je...
Peut-on voir un plus heureux assemblage de tons délicats et n’est-ce
pas vraiment d’une tendresse exquise?

Et plus loin, voici le comte-duc d’Olivarès, avec ses larges
moustaches en croc et son air d’orgueilleuse suffisance : armé, botté,
éperonné, cuirassé, il est là sur son cheval andalou et il commande
comme un généralissime, comme un pourfendeur d'armées, lui qui
pourtant n’avait jamais vu le feu et dont l’imprévoyance criminelle
fut si néfaste à son pays. Velâzquez fait de lui un triomphateur
arrogant, mais la Roche tarpéienne n’est pas loin, et Gil Blas, dans
des pages d’une attendrissante mélancolie, ne tardera pas à nous
dépeindre les brutalités foudroyantes de la chute, ainsi que les
visions angoissantes de la fin du ministre naguère tout-puissant.
Quant à nous, pardonnons-lui ses erreurs et ses crimes politiques.
C’est lui qui devina le génie de Velâzquez et fut son protecteur.
C’est lui qui introduisit le jeune peintre encore inconnu dans cette
cour d’Espagne que le grand peintre, devenu célèbre, devait plus
tard immortaliser par son pinceau.
 
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