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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Per. 19.1898

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Nr. 6
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Bricon, Étienne: Frémiet, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24683#0529
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502

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

Ainsi s’explique que M. Frémiet, qui est un intellectuel pur,
n’ait jamais été un artiste à la mode de son temps. Et le fait est
d’autant plus caractéristique que les occasions de l’être ont été nom-
breuses pour lui. Connu très jeune du public, il expose avec éclat
le Gorille traînant le cadavre d’une femme, que le jury a écarté à
cause de la laideur du sujet, mais que M. de Nieuwerkerke fait placer
à côté du Salon dans une salle où on le verra mieux et plus bruyam-
ment; il modèle sa suite des Soldats impériaux, si captivante pour
l’époque ; au lendemain de l'invasion de l’ennemi, il montre sa Jeanne
cl'Arc. Chaque fois le succès lui vient, mais non la mode qui est un
succès général et acquis d’avance à tout ce qu’un homme pourra faire.
M. F rémiet est très considéré de ses contemporains, mais considéré
sans empressement : les artistes attendent que ce maître, qu’ils
savent incontestable, ait soixante-cinq ans pour lui donner leur
médaille d’honneur, et en s’ouvrant à lui plus tard encore l’Institut
s’honore tardivement. La mode va aux sensuels et aux sentimen-
taux parce que toute foule, même d’élite, juge avec ses sens ou avec
son sentiment ; et s’il arrive qu’une foule soit entraînée par un
intellectuel pur, ce ue pourra être que par un esprit préoccupé du
rêve, par Eschyle ou par Michel-Ange. La foule peut avoir des crises
d’imagination, non des crises de raison. Et qui osera dire, pour s’en
plaindre, que la raison soit plus sûre d’elle que le sentiment ?
M. F rémiet intéresse passionnément, même il étonne par la beauté de
son allure, jamais il ne séduit ; et la foule, dont l’impressionnabilité
constante marque le tempérament féminin, veut toujours être
séduite.

Pour n’avoir pas été un artiste « du jour », M. Frémiet n’en
est pas moins profondément un artiste de notre époque, car, à
quelque temps du passé qu’il se complaise, il le comprend et il le
représente en homme d’un temps nouveau, animé par la vie nouvelle
de notre génération. A considérer seulement les dates, il semblerait
cependant que M. Frémiet soit un artiste du second Empire, mais
les dates trompent étrangement. D’une famille bourgeoise et d’origine
bourguignonne, Emmanuel Frémiet, né à Paris en 1824, fut élevé
dans l’admiration el dans la familiarité de son oncle le grand Rude,
et, pris très jeune du sentiment de la plastique et du goût de la ligne,
il reçut ses premières leçons de sa tante Sophie Frémiet, devenue
Mm0 Rude, et d’un de ses oncles, Werner, peintre d’histoire naturelle
au Muséum, qui lui fit exécuter des dessins lithographiques et le
paya cinq francs par mois, puis vingt francs plus tard. Il gagnait
 
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