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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
détail, mais l’ensemble ne satisfait pas : l’artiste avait fait place an
praticien.
Baldovinetti a tenté toutes les expériences possibles sur la cou-
leur et ses véhicules ; il a retrouvé la mosaïque ; il s’est occupé de
tout, sauf de peindre par amour de l’art. Pour lui, comme pour
les autres réalistes llorentins, la peinture n’était intéressante que
parce qu’elle lui offrait des problèmes scientifiques à résoudre. Les
fragments qui restent des fresques exécutées par lui, dans les der-
nières années de sa vie, à Santa Trinità ne montrent pas que ses
intentions ou sa manière aient changé. A travers toute sa carrière,
il s’est tenu au même style, aux mêmes types, pei’dant son raffi-
nement et sa grâce à mesure qu’il s’absorbait davantage dans le
métier.
Telles sont les œuvres de Baldovinetti dont l’authenticité n’a
jamais été contestée et dont les dates sont connues. Il y a deux
autres peintures qu’il doit avoir exécutées entre 1460 et 1465 : la plus
ancienne, en même temps que la plus belle, est l’admirable Madone
dont les descendants de Baldovinetti se sont défaits récemment, et
qui vient de passer dans la collection de MmcEdouard André, à Paris.
C'est un tableau qui n’a ni la grandeur ni la délicatesse de celui que
vient d’acheter le Louvre; mais son heureux état de conservation
fait bien valoir la délicatesse précieuse du dessin et le subtil modelé
«les petits nuages dans le ciel grisâtre. Le même type de Madone,
aux traits un peu plus amaigris, se retrouve dans l’intéressant tableau
d’autel que l’on voit aux Offices ; c’est une œuvre d'un sentiment
délicat et d’un métier subtil.
Yasari a accrédité une erreur en ce qui concerne deux autres
peintures d’Alessio Baldovinetti. Dans la chapelle des Portugais, à
San Miniato, achevée en 1466, il y a des fresques qui représentent
les quatre Évangélistes et les quatre Docteurs de l'Eglise, ainsi que
le panneau d’une Annonciation : au-dessus se trouve, de nouveau al
fresco, un jardin avec des arbres. Toutes ces peintures, attribuées
par Yasari à Pietro Pollaiuolo, sont données par Albertini, dans ses
Memoriali, publiés cinquante ans plus tôt, à Alessio Baldovinetti.
Il avait raison et Vasari tort ; c’est ce que l’on voit après un instant
d’attentif examen. De fait, il n’y a pas aujourd’hui un seul critique
compétent qui hésitât à attribuer le tout à Alessio. Ces fresques ont
beaucoup souffert de l’écaillement des couleurs ; mais Y Annoncia-
tion est bien conservée et de grande beauté. L’espace qu’elle occupe
exigeait un panneau long et étroit, forme qui fut adoptée dans la suite
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détail, mais l’ensemble ne satisfait pas : l’artiste avait fait place an
praticien.
Baldovinetti a tenté toutes les expériences possibles sur la cou-
leur et ses véhicules ; il a retrouvé la mosaïque ; il s’est occupé de
tout, sauf de peindre par amour de l’art. Pour lui, comme pour
les autres réalistes llorentins, la peinture n’était intéressante que
parce qu’elle lui offrait des problèmes scientifiques à résoudre. Les
fragments qui restent des fresques exécutées par lui, dans les der-
nières années de sa vie, à Santa Trinità ne montrent pas que ses
intentions ou sa manière aient changé. A travers toute sa carrière,
il s’est tenu au même style, aux mêmes types, pei’dant son raffi-
nement et sa grâce à mesure qu’il s’absorbait davantage dans le
métier.
Telles sont les œuvres de Baldovinetti dont l’authenticité n’a
jamais été contestée et dont les dates sont connues. Il y a deux
autres peintures qu’il doit avoir exécutées entre 1460 et 1465 : la plus
ancienne, en même temps que la plus belle, est l’admirable Madone
dont les descendants de Baldovinetti se sont défaits récemment, et
qui vient de passer dans la collection de MmcEdouard André, à Paris.
C'est un tableau qui n’a ni la grandeur ni la délicatesse de celui que
vient d’acheter le Louvre; mais son heureux état de conservation
fait bien valoir la délicatesse précieuse du dessin et le subtil modelé
«les petits nuages dans le ciel grisâtre. Le même type de Madone,
aux traits un peu plus amaigris, se retrouve dans l’intéressant tableau
d’autel que l’on voit aux Offices ; c’est une œuvre d'un sentiment
délicat et d’un métier subtil.
Yasari a accrédité une erreur en ce qui concerne deux autres
peintures d’Alessio Baldovinetti. Dans la chapelle des Portugais, à
San Miniato, achevée en 1466, il y a des fresques qui représentent
les quatre Évangélistes et les quatre Docteurs de l'Eglise, ainsi que
le panneau d’une Annonciation : au-dessus se trouve, de nouveau al
fresco, un jardin avec des arbres. Toutes ces peintures, attribuées
par Yasari à Pietro Pollaiuolo, sont données par Albertini, dans ses
Memoriali, publiés cinquante ans plus tôt, à Alessio Baldovinetti.
Il avait raison et Vasari tort ; c’est ce que l’on voit après un instant
d’attentif examen. De fait, il n’y a pas aujourd’hui un seul critique
compétent qui hésitât à attribuer le tout à Alessio. Ces fresques ont
beaucoup souffert de l’écaillement des couleurs ; mais Y Annoncia-
tion est bien conservée et de grande beauté. L’espace qu’elle occupe
exigeait un panneau long et étroit, forme qui fut adoptée dans la suite