GAZETTE DES BEAUX-ARTS
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teurqui l’aide à se débarrasser d’un énorme manteau surchargé de
broderies d’or, cette noble ligure n’est pas le duc de Penthièvre. La
peinture en esl si évidemment du Nattier de la meilleure époque, et
c’est si certainement un portrait officiel de haute importance, que je
pressentais bien que le peintre, suivant son habitude, avait dû le
signer, et je ne fus pas surprise de découvrir dans l’angle droit
l’inscription: Nattier pinxit, 173% ; à cette date, le duc de Penthièvre
avait sept ans, et le modèle de notre portrait est pour le moins âgé
de vingt-huit ans ou vingt-neuf ans. Peut-être est-ce le duc d’Or-
léans, fils du Régent, qui à ce moment était sur le point de se retirer
à l’abbaye Sainte-Geneviève, où il passa la dernière partie de sa vie ?
Un portrait de la Comtesse de Flahaut avec son fils, prêté par
la marquise de Lavalette, nous confirme, en dépit de son aspect
avenant et de son indiscutable élégance, dans l’opinion que l’habi-
leté de l’auteur, Mmo Guyard, ne paraît point tant à son avantage
dans la peinture à l’huile que dans l’art du pastel. Comme le baron
Roger de Portalis en a fait la remarque ici-même, à propos d’œuvres
de cette artiste exposées en 1885 au Salon des Pastellistes français,
MmeGuyard, née habille des Vertus, « est une de celles qui se sont
fait une belle place parleur exécution»; mais les portraits à l’huile
sont d’une infériorité sensible et justifient l’immense vogue dont
jouit sa rivale et contemporaine, Mmo Vigée-Lebrun, vogue particu-
lièrement explicable à l’Exposition du Guildhall, où on rencontre de
cette dernière un excellent modèle de goût féminin dans les ajuste-
ments, arrangements pleins d’adresse et d’art séducteur dans le Por-
trait de femme bien connu, récemment vendu dans la célèbre col-
lection Lyne-Stephens.
Cependant, il nous est difficile de disposer de toute notre atten-
tion pour des œuvres de cet ordre, alors que la superbe Gamme
d’amour, de Watteau1 ■— une autre perle, autrefois dans la même
collection, — nous appelle vers la paroi voisine. Vendue en 1895,
à la mort de Mmo Lyne-Stephens, au prix de 83.750 francs, elle ap-
partient aujourd’hui à M. Wernher et a figuré jadis dans la galerie
de Mariette. Quoiqu’elle ait quelque peu souffert, cette belle œuvre,
dont la composition a été popularisée par la gravure de Le Bas,
n’en est pas moins un morceau rare du maître, à ses heures les
meilleures. Le rouge merveilleux, qui éclate comme des feux de
pierreries dans les nœuds que la jeune femme porte à sa chevelure
et à sa gorge, est soutenu parle ton cramoisi plus discret delà toque
t. Catalogue Concourt, nü 136, gravure de Le Bas.
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teurqui l’aide à se débarrasser d’un énorme manteau surchargé de
broderies d’or, cette noble ligure n’est pas le duc de Penthièvre. La
peinture en esl si évidemment du Nattier de la meilleure époque, et
c’est si certainement un portrait officiel de haute importance, que je
pressentais bien que le peintre, suivant son habitude, avait dû le
signer, et je ne fus pas surprise de découvrir dans l’angle droit
l’inscription: Nattier pinxit, 173% ; à cette date, le duc de Penthièvre
avait sept ans, et le modèle de notre portrait est pour le moins âgé
de vingt-huit ans ou vingt-neuf ans. Peut-être est-ce le duc d’Or-
léans, fils du Régent, qui à ce moment était sur le point de se retirer
à l’abbaye Sainte-Geneviève, où il passa la dernière partie de sa vie ?
Un portrait de la Comtesse de Flahaut avec son fils, prêté par
la marquise de Lavalette, nous confirme, en dépit de son aspect
avenant et de son indiscutable élégance, dans l’opinion que l’habi-
leté de l’auteur, Mmo Guyard, ne paraît point tant à son avantage
dans la peinture à l’huile que dans l’art du pastel. Comme le baron
Roger de Portalis en a fait la remarque ici-même, à propos d’œuvres
de cette artiste exposées en 1885 au Salon des Pastellistes français,
MmeGuyard, née habille des Vertus, « est une de celles qui se sont
fait une belle place parleur exécution»; mais les portraits à l’huile
sont d’une infériorité sensible et justifient l’immense vogue dont
jouit sa rivale et contemporaine, Mmo Vigée-Lebrun, vogue particu-
lièrement explicable à l’Exposition du Guildhall, où on rencontre de
cette dernière un excellent modèle de goût féminin dans les ajuste-
ments, arrangements pleins d’adresse et d’art séducteur dans le Por-
trait de femme bien connu, récemment vendu dans la célèbre col-
lection Lyne-Stephens.
Cependant, il nous est difficile de disposer de toute notre atten-
tion pour des œuvres de cet ordre, alors que la superbe Gamme
d’amour, de Watteau1 ■— une autre perle, autrefois dans la même
collection, — nous appelle vers la paroi voisine. Vendue en 1895,
à la mort de Mmo Lyne-Stephens, au prix de 83.750 francs, elle ap-
partient aujourd’hui à M. Wernher et a figuré jadis dans la galerie
de Mariette. Quoiqu’elle ait quelque peu souffert, cette belle œuvre,
dont la composition a été popularisée par la gravure de Le Bas,
n’en est pas moins un morceau rare du maître, à ses heures les
meilleures. Le rouge merveilleux, qui éclate comme des feux de
pierreries dans les nœuds que la jeune femme porte à sa chevelure
et à sa gorge, est soutenu parle ton cramoisi plus discret delà toque
t. Catalogue Concourt, nü 136, gravure de Le Bas.