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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
à la mode italienne, et Garnier n’aurait-il pas dû mieux utiliser en
meilleure place le grand talent de son ami? Il n’était pas d’ailleurs
facile aux collaborateurs d’un tel architecte de deviner d’avance son
œuvre et de se tenir à sa hauteur. Deux cependant y auront réussi :
Carpeaux, par cette Danse naguère si critiquée et qui reste aujour-
d’hui le seul morceau de sculpture qui se tienne absolument d’allure
avec le monument do Garnier; puis le plafond de la grande salle, par
M. Lenopveu. Cette vaste peinture est, par la composition, les propor-
tions, le mouvement, la coloration, tout à fait, ce nous semble, en
accord avec la salle qu’elle doit couronner et non écraser, au-dessus
de laquelle elle s’enlève comme une apothéose. Cette salle est d’ail-
leurs vraiment d’aspect grandiose. Garnier a eu l’intelligente mo-
destie d’en prendre le parti à l’ancienne salle, mais en lui donnant
une majesté incomparable. Certes, il y a encore là un peu de cet
excès dans le décor, qu’il est impossible de ne pas constater par-
tout dans les développements multiples de ce monument colossal.
Il y a des figures vraiment énormes, des tètes coupées inutilement
jetées sur le fond des caissons d’avant-scène, mais tout cela disparaît
dans un ensemble saisissant, dans une harmonie chaude et dorée,
cadre somptueux aux spectacles magnifiques de la scène.
On doit toutefois regretter particulièrement, que cette salle si
belle ne soit pas absolument favorable à l’exécution de toutes œuvres
musicales. Est-ce imperfection de l’acoustique? Est-ce plutôt l’effet
de trop grandes dimensions? Toujours est-il que les voix se perdent
en cet immense vaisseau et que les masses vocales et orchestrales y
manquent de netteté et de puissance. On est alors obligé de recher-
cher plus encore des chanteurs de force que des artistes de talent,
et nos compositeurs se croient obligés d’user de toutes les sonorités
possibles pour remplir le vide d’une salle qui ne rend pas suffisam-
ment. Il est certain que les œuvres les plus parfaites, mais de demi-
teinte, ont peine à y être bien goûtées; cela doit et devra inlluencer
de façon regrettable, dans le présent et dans l’avenir, notre musique
française moderne, en la portant vers la recherche des grands effets,
en lui faisant trop oublier peut-être les qualités qui lui sont propres.
Quoi qu’il en soit, si cette salle n’est pas tout ce qu elle devrait être,
elle n’en reste pas moins une œuvre dans laquelle s’est affirmé de
façon supérieure le talent de Garnier. Irons-nous au delà?
U nous semble inutile de nous transporter jusqu’au foyer de la
danse, heureusement interdit aux profanes, et où nous ne pourrions
constater que les entraînements d'une imagination surmenée qui,
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à la mode italienne, et Garnier n’aurait-il pas dû mieux utiliser en
meilleure place le grand talent de son ami? Il n’était pas d’ailleurs
facile aux collaborateurs d’un tel architecte de deviner d’avance son
œuvre et de se tenir à sa hauteur. Deux cependant y auront réussi :
Carpeaux, par cette Danse naguère si critiquée et qui reste aujour-
d’hui le seul morceau de sculpture qui se tienne absolument d’allure
avec le monument do Garnier; puis le plafond de la grande salle, par
M. Lenopveu. Cette vaste peinture est, par la composition, les propor-
tions, le mouvement, la coloration, tout à fait, ce nous semble, en
accord avec la salle qu’elle doit couronner et non écraser, au-dessus
de laquelle elle s’enlève comme une apothéose. Cette salle est d’ail-
leurs vraiment d’aspect grandiose. Garnier a eu l’intelligente mo-
destie d’en prendre le parti à l’ancienne salle, mais en lui donnant
une majesté incomparable. Certes, il y a encore là un peu de cet
excès dans le décor, qu’il est impossible de ne pas constater par-
tout dans les développements multiples de ce monument colossal.
Il y a des figures vraiment énormes, des tètes coupées inutilement
jetées sur le fond des caissons d’avant-scène, mais tout cela disparaît
dans un ensemble saisissant, dans une harmonie chaude et dorée,
cadre somptueux aux spectacles magnifiques de la scène.
On doit toutefois regretter particulièrement, que cette salle si
belle ne soit pas absolument favorable à l’exécution de toutes œuvres
musicales. Est-ce imperfection de l’acoustique? Est-ce plutôt l’effet
de trop grandes dimensions? Toujours est-il que les voix se perdent
en cet immense vaisseau et que les masses vocales et orchestrales y
manquent de netteté et de puissance. On est alors obligé de recher-
cher plus encore des chanteurs de force que des artistes de talent,
et nos compositeurs se croient obligés d’user de toutes les sonorités
possibles pour remplir le vide d’une salle qui ne rend pas suffisam-
ment. Il est certain que les œuvres les plus parfaites, mais de demi-
teinte, ont peine à y être bien goûtées; cela doit et devra inlluencer
de façon regrettable, dans le présent et dans l’avenir, notre musique
française moderne, en la portant vers la recherche des grands effets,
en lui faisant trop oublier peut-être les qualités qui lui sont propres.
Quoi qu’il en soit, si cette salle n’est pas tout ce qu elle devrait être,
elle n’en reste pas moins une œuvre dans laquelle s’est affirmé de
façon supérieure le talent de Garnier. Irons-nous au delà?
U nous semble inutile de nous transporter jusqu’au foyer de la
danse, heureusement interdit aux profanes, et où nous ne pourrions
constater que les entraînements d'une imagination surmenée qui,