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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 20.1898

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Nr. 5
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Müntz, Eugène: Les dernières années de Léonard de Vinci
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https://doi.org/10.11588/diglit.24684#0408

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370

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

Chez Leonard, on voudrait découvrir, à côté du penseur et du
moraliste, un cœur généreux se passionnant pour toutes les luttes
qui agitaient son époque. Mais ce serait une chimère. Comme l’a
fort bien remarqué M. Séailles1, Léonard regarde les phénomènes
de la politique à la façon d’un Spinoza, sub specie æterni, du point
de vue de l’éternité. Le mal que font les autres l’occupe moins que
le bien qu’il peut faire. « La politique et l’organisation sociale
n’offraient donc nul attrait pour ce spéculateur solitaire, habitué à
planer au-dessus des questions du jour. Il ne pouvait être un
homme d’action, précisément en raison de la multiplicité des doutes
qui se présentaient à lui toutes les fois qu’il abordait n’importe quel
problème. Seuls, les esprits exclusifs ou faux ont le privilège de
distinguer, dans les matières complexes, le trait qui tourne le plus
à leur avantage. Mais Léonard, qui personnifiait la probité et le
désintéressement scientifiques, croyait se devoir à lui-même d’épui-
ser toutes les faces des phénomènes, au lieu d’en mettre en lumière
une seule à l’exclusion de toutes les autres. De l’excès de son indé-
cision, viennent les contradictions de sa conduite, ses faiblesses, ses
compromissions. »

Cette constatation était indispensable pour lixer le point de vue
du haut duquel nous devons juger une nature riche non moins
qu’ondoyante.

Après la chute de Ludovic le More, dans les derniers mois de
l’année 1499 (d’après M. Uzielli, le 13 ou le 16 décembre), Léonard
s’était rendu de Milan à Mantoue2, puis à Venise (mars 1500) 3, pour
regagner finalement, enfant prodigue, sa ville natale. Il s’installa,
pour six mois, dans la maison de son jeune disciple, le sculpteur
Jean-François Rusticj. Il avait fait des économies à Milan : la
preuve, c’est qu’au mois de janvier 1500, il déposa 600 florins

1. Léonard de Vinci : l’Artiste et le Savant, p. 501.

2. Voy. l’art, de Charles Yriarte, Gazette des Beaux-Arts, 2e pér., t. XXXVII, p. 122.

3. L’artiste parle lui-même, mais incidemment, de ce voyage dans une note
publiée par M. llichter (The great Artists : Leonardo, p. 60). Nous y voyons que l’un
au moins de ses élèves, Salai, l’accompagnait. M. Richter rattache â ce voyage
plusieurs dessins, dont l’un, une esquisse de cavalier, porte l’inscription : « Mess.
Antonio Grimani Veneziano, Champagno d’Antonio Maria. » Il s’agirait, d’après
le savant éditeur des manuscrits de Léonard, du fameux doge, défait en 1499 à
Lépante. Peut-être fut-ce aussi en ce moment que l’artiste prit deux croquis
(conservés à Windsor), d’après la statue équestre du Colleone, tribut d’admira-
tion rétrospectif payé à son ancien maître, Verrocchio.
 
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