GAZETTE DES BEAUX-ARTS
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Thierry, alors appartenant à la Couronne, mais qui, au xyiii® siècle,
passa aux d’Orléans. Ceux-ci transportèrent la statue de Henri IV
d’abord à Saint-Cloud, où Dargenville la vit en 1783 *, puis à Mont-
ccaux, quand ils eurent vendu Saint-Cloud au roi Louis XVI. C’est
là qu’elle fut saisie le 22 vendémiaire an IV, parmi les biens des
émigrés, et réservée pour le musée de Lenoir, où elle entra, le
7 prairial de la même année2. La statue fut rendue en 181G au duc
d’Orléans3 4, puis placée par Louis-Philippe à Versailles'1, d’où Cou-
rajod la fit entrer au Louvre. Nous pouvons aujourd’hui y admirer
avec certitude, malgré ses longs et nombreux voyages, l’œuvre de
Oarlhôlemy Tremblay.
Notre confiance s’affermira encore si nous comparons la tête de
notre statue au superbe portrait de la collection de Mme André. Avec
ce que la matière apportait fatalement de difficulté et de froideur
dans l’exécution, elle présente bien les mêmes caraclères que le
bronze, et l’emporte de beaucoup sur le modeste buste en marbre qui
se voit à ses côtés; c’est le même front large, sillonné de rides puis-
santes, les mômes yeux souriants, la même barbe soyeuse et arron-
die; c’est enfin surtout la même façon de comprendre la physionomie
du roi et d’en exprimer la large et aimable bonhomie. Quant à l'atti-
tude, à l’allure générale, elle est d’une simplicité pleine d’aisance et
de naturel. Le costume est aussi réel que dans le portrait peint par
le Flamand Pourbus. Aucune pose, rien qui sente le théâtre. Le per-
sonnage se présente avec la dignité qui convient à son rang ; l’artiste
a su même tirer un très heureux parti du long manteau qui lui tombe
des épaules et qui l’encadre d’une façon très ingénieuse ; mais ici
il n’y a rien de guindé et d’apprêté, comme dans l’œuvre de Fran-
cheville qui se voit au château de Pau.
Il est très probable que Tremblay s'inspira, pour ces deux œu-
vres, postérieures l’une et l’autre à la mort du roi, des effigies qui
avaient été exécutées lors des funérailles et qui, elles-mêmes, avaient
eu comme point de départ le moulage fait, selon la coutume, sur le
cadavre du roi. Mais Tremblay avait repris et vérifié cette figure
1. Curiosités du château de Saint-Cloud. Paris, 1783, in-8°, p. 10.
. 2. Courajod, Al. Lenoir et son journal, I, p. 101 ; — Catalogue de Lenoir, an X,
n° 110, et IV, p. 120;—A. Lenoir, Histoire des arts en France 'prouvée par les monu-
ments. Paris, 1811, p. 290.
3. Courajod, op. cit., I, p. 193.
4. Catalogue du Musée de \ersailles, 1860, n° 2814, t. II, p. 387,
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Thierry, alors appartenant à la Couronne, mais qui, au xyiii® siècle,
passa aux d’Orléans. Ceux-ci transportèrent la statue de Henri IV
d’abord à Saint-Cloud, où Dargenville la vit en 1783 *, puis à Mont-
ccaux, quand ils eurent vendu Saint-Cloud au roi Louis XVI. C’est
là qu’elle fut saisie le 22 vendémiaire an IV, parmi les biens des
émigrés, et réservée pour le musée de Lenoir, où elle entra, le
7 prairial de la même année2. La statue fut rendue en 181G au duc
d’Orléans3 4, puis placée par Louis-Philippe à Versailles'1, d’où Cou-
rajod la fit entrer au Louvre. Nous pouvons aujourd’hui y admirer
avec certitude, malgré ses longs et nombreux voyages, l’œuvre de
Oarlhôlemy Tremblay.
Notre confiance s’affermira encore si nous comparons la tête de
notre statue au superbe portrait de la collection de Mme André. Avec
ce que la matière apportait fatalement de difficulté et de froideur
dans l’exécution, elle présente bien les mêmes caraclères que le
bronze, et l’emporte de beaucoup sur le modeste buste en marbre qui
se voit à ses côtés; c’est le même front large, sillonné de rides puis-
santes, les mômes yeux souriants, la même barbe soyeuse et arron-
die; c’est enfin surtout la même façon de comprendre la physionomie
du roi et d’en exprimer la large et aimable bonhomie. Quant à l'atti-
tude, à l’allure générale, elle est d’une simplicité pleine d’aisance et
de naturel. Le costume est aussi réel que dans le portrait peint par
le Flamand Pourbus. Aucune pose, rien qui sente le théâtre. Le per-
sonnage se présente avec la dignité qui convient à son rang ; l’artiste
a su même tirer un très heureux parti du long manteau qui lui tombe
des épaules et qui l’encadre d’une façon très ingénieuse ; mais ici
il n’y a rien de guindé et d’apprêté, comme dans l’œuvre de Fran-
cheville qui se voit au château de Pau.
Il est très probable que Tremblay s'inspira, pour ces deux œu-
vres, postérieures l’une et l’autre à la mort du roi, des effigies qui
avaient été exécutées lors des funérailles et qui, elles-mêmes, avaient
eu comme point de départ le moulage fait, selon la coutume, sur le
cadavre du roi. Mais Tremblay avait repris et vérifié cette figure
1. Curiosités du château de Saint-Cloud. Paris, 1783, in-8°, p. 10.
. 2. Courajod, Al. Lenoir et son journal, I, p. 101 ; — Catalogue de Lenoir, an X,
n° 110, et IV, p. 120;—A. Lenoir, Histoire des arts en France 'prouvée par les monu-
ments. Paris, 1811, p. 290.
3. Courajod, op. cit., I, p. 193.
4. Catalogue du Musée de \ersailles, 1860, n° 2814, t. II, p. 387,