QUELQUES IVOIRES RÉCEMMENT ACQUIS PAR LE LOUVRE 483
figurent la Crucifixion ; les sculpteurs semblent avoir eu à cœur
d'y dépenser toute leur habileté ; sur une surface souvent restreinte,
ils ont cherché à interpréter de la façon la plus compliquée toutes
les particularités symboliques du dernier acte de la Passion. Do
nombreux monuments, conservés en France et en Allemagne, témoi-
gnent de cette préoccupation. Le Louvre n’avait jusqu’ici aucun
échantillon d'une série iconographique fort curieuse ; celui-ci, bien
que mutilé, comble cette lacune d’une façon assez heureuse. Proche
parente de certains ivoires provenant du legs fait par Carrand au
musée du Bargello, cette plaque ne représente pas à coup sûr la Cru-
cifixion d’une façon aussi complète que certaines reliures de la
Bibliothèque Nationale ; on y voit néanmoins le développement assez
curieux de l’iconographie de ce sujet tel que le conçurent les artistes
OLIPHANT, TRAVAIL ORIENTAL DU IX0 SIÈCLE
(Musée du Louvre.)
du ix° et du xc siècle : le Christ, accompagné de la Vierge, et de Saint-
Jean, de Longin et du personnage présentant à boire au Sauveur,
du Soleil et de la Lune, de théories d’anges adorateurs aux attitudes
stéréotypées; puis, au bas de la composition, les morts ouvrant leurs
tombeaux, sans oublier la figure (mutilée) d’Adam sortant du
sépulcre, telle qu’on la voit — suivant une version à peu près
universellement adoptée — dans les Crucifixions byzantines1. Je
n’oserais attribuer ce monument au ixc siècle : les ivoires de la meil-
leure époque carolingienne nous ont habitués à plus de correction
dans le dessin; mais cette pièce ne peut descendre plus bas que le
x° siècle, car la formule et le style sont carolingiens, et nullement
de l’époque à laquelle on a donné le qualificatif de romane.
I. Notamment dans une Crucifixion tout à fait remarquable, qui fit partie
de la collection Bonnaffé, dispersée il y a deux ans. Sur cette plaque, « Adam,
dans les entrailles duquel est poussée la croix » est clairement indiqué par
l’inscription qui l’accompagne ; plus bas est représenté le partage des vêtements
du Christ entre Jes soldats assistant au supplice.
figurent la Crucifixion ; les sculpteurs semblent avoir eu à cœur
d'y dépenser toute leur habileté ; sur une surface souvent restreinte,
ils ont cherché à interpréter de la façon la plus compliquée toutes
les particularités symboliques du dernier acte de la Passion. Do
nombreux monuments, conservés en France et en Allemagne, témoi-
gnent de cette préoccupation. Le Louvre n’avait jusqu’ici aucun
échantillon d'une série iconographique fort curieuse ; celui-ci, bien
que mutilé, comble cette lacune d’une façon assez heureuse. Proche
parente de certains ivoires provenant du legs fait par Carrand au
musée du Bargello, cette plaque ne représente pas à coup sûr la Cru-
cifixion d’une façon aussi complète que certaines reliures de la
Bibliothèque Nationale ; on y voit néanmoins le développement assez
curieux de l’iconographie de ce sujet tel que le conçurent les artistes
OLIPHANT, TRAVAIL ORIENTAL DU IX0 SIÈCLE
(Musée du Louvre.)
du ix° et du xc siècle : le Christ, accompagné de la Vierge, et de Saint-
Jean, de Longin et du personnage présentant à boire au Sauveur,
du Soleil et de la Lune, de théories d’anges adorateurs aux attitudes
stéréotypées; puis, au bas de la composition, les morts ouvrant leurs
tombeaux, sans oublier la figure (mutilée) d’Adam sortant du
sépulcre, telle qu’on la voit — suivant une version à peu près
universellement adoptée — dans les Crucifixions byzantines1. Je
n’oserais attribuer ce monument au ixc siècle : les ivoires de la meil-
leure époque carolingienne nous ont habitués à plus de correction
dans le dessin; mais cette pièce ne peut descendre plus bas que le
x° siècle, car la formule et le style sont carolingiens, et nullement
de l’époque à laquelle on a donné le qualificatif de romane.
I. Notamment dans une Crucifixion tout à fait remarquable, qui fit partie
de la collection Bonnaffé, dispersée il y a deux ans. Sur cette plaque, « Adam,
dans les entrailles duquel est poussée la croix » est clairement indiqué par
l’inscription qui l’accompagne ; plus bas est représenté le partage des vêtements
du Christ entre Jes soldats assistant au supplice.