MAITRES ITALIENS A LA GALERIE D’ALTENBURG 509
appartient tout à fait à la catégorie des œuvres certaines de Simone,
mais nulle part dans les autres peintures de Lippo ne se rencontrent
une pareille élégance et une telle candeur. Le même mode de con-
ception se retrouve aussi dans quelques demi-figures d’ermites et
de saints, qui doivent avoir appartenu à un retable plus grand.
Une œuvre grandiosement solennelle et archaïque reconnue, au
contraire, commeappartenant à lapremière période de SimoneMartini
lui-même, est la ligure seule de Saint Jean-Baptiste sur un trône,
dont la carnation brunâtre trahit au point de vue technique les
rapports avec Duccio, tandis que, par la silhouette et l’expression,
elle rappelle la large peinture murale de la Maestà, à l’hôtel de ville
de Sienne.
Autour de ces chefs-d’œuvre de maîtres célèbres sont groupés
à Altenburg, de façon non moins claire, toute une suite de petits et
de grands panneaux d’origine siennoise, qui nous permettent de sui-
vre nettement le développement de l’école depuis Duccio jusqu’à la
fin du xive siècle et au delà : une Mort de Marie, d'un profond sen-
timent de douleur, où les anges qui accompagnent le Christ ont
encore ici, comme chez Duccio, une haute expression de sainteté,
quoique la peinture elle-même trahisse l’époque d’un Bartolo di
Maestro Fredi ; une douloureuse et pourtant, sous le rapport des
mouvements, grandiose Pietà, qui annonce déjà le peintre d’âme
que fut le Pérugin ; puis une ravissante Fuite en Égijpte, que
Hermann Hettner a reconnue avec raison pour une œuvre de don
Lorenzo Monaco, et une Madone avec l'Enfant, ou un Sauveur
bénissant, de Taddeo Bartoli, dans lequel déjà les puissantes velléités
du réalisme se mêlent à l’idéale et féerique fantaisie du moyen
âge, de façon à préparer le terrain à Gentile da Fabriano.
L’énumération seule des œuvres de la collection Lindenau place
déjà celle-ci bien au-dessus de celle du chevalier Artaud de Montor1 ;
elle a été réunie avec un sens délicat des rapports intimes et de
l’importance historique des œuvres, cela certainement grâce à l’in-
lluence de celui qui servit d’intermédiaire au haron de Lindenau,
I. On a introduit tout à fait à l’aventure, dans le catalogue de 1843 de la col-
lection A. de Montor, quelques noms de quattrocentistes. Par exemple : plan-
che 53, celui de Sandro Botlicelli pour deux Crucifixions parfaitement hétéro-
gènes, et de plus le tableau de la planche 54, qui suit encore, quoique tardive
ment, la tradition du trecento. A un maître ombrien, très proche d’Ottaviano
Nelli de Gubbio, appartiennent aussi bien la Madone avec les Anges de la plan-
che 55, attribuée à Piero di Cosimo, que le Retour du Christ de la planche 56,
appartient tout à fait à la catégorie des œuvres certaines de Simone,
mais nulle part dans les autres peintures de Lippo ne se rencontrent
une pareille élégance et une telle candeur. Le même mode de con-
ception se retrouve aussi dans quelques demi-figures d’ermites et
de saints, qui doivent avoir appartenu à un retable plus grand.
Une œuvre grandiosement solennelle et archaïque reconnue, au
contraire, commeappartenant à lapremière période de SimoneMartini
lui-même, est la ligure seule de Saint Jean-Baptiste sur un trône,
dont la carnation brunâtre trahit au point de vue technique les
rapports avec Duccio, tandis que, par la silhouette et l’expression,
elle rappelle la large peinture murale de la Maestà, à l’hôtel de ville
de Sienne.
Autour de ces chefs-d’œuvre de maîtres célèbres sont groupés
à Altenburg, de façon non moins claire, toute une suite de petits et
de grands panneaux d’origine siennoise, qui nous permettent de sui-
vre nettement le développement de l’école depuis Duccio jusqu’à la
fin du xive siècle et au delà : une Mort de Marie, d'un profond sen-
timent de douleur, où les anges qui accompagnent le Christ ont
encore ici, comme chez Duccio, une haute expression de sainteté,
quoique la peinture elle-même trahisse l’époque d’un Bartolo di
Maestro Fredi ; une douloureuse et pourtant, sous le rapport des
mouvements, grandiose Pietà, qui annonce déjà le peintre d’âme
que fut le Pérugin ; puis une ravissante Fuite en Égijpte, que
Hermann Hettner a reconnue avec raison pour une œuvre de don
Lorenzo Monaco, et une Madone avec l'Enfant, ou un Sauveur
bénissant, de Taddeo Bartoli, dans lequel déjà les puissantes velléités
du réalisme se mêlent à l’idéale et féerique fantaisie du moyen
âge, de façon à préparer le terrain à Gentile da Fabriano.
L’énumération seule des œuvres de la collection Lindenau place
déjà celle-ci bien au-dessus de celle du chevalier Artaud de Montor1 ;
elle a été réunie avec un sens délicat des rapports intimes et de
l’importance historique des œuvres, cela certainement grâce à l’in-
lluence de celui qui servit d’intermédiaire au haron de Lindenau,
I. On a introduit tout à fait à l’aventure, dans le catalogue de 1843 de la col-
lection A. de Montor, quelques noms de quattrocentistes. Par exemple : plan-
che 53, celui de Sandro Botlicelli pour deux Crucifixions parfaitement hétéro-
gènes, et de plus le tableau de la planche 54, qui suit encore, quoique tardive
ment, la tradition du trecento. A un maître ombrien, très proche d’Ottaviano
Nelli de Gubbio, appartiennent aussi bien la Madone avec les Anges de la plan-
che 55, attribuée à Piero di Cosimo, que le Retour du Christ de la planche 56,