482
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
mentale a été influencée par la sculpture en ivoire, alors qu'à cer-
taines époques la sculpture en ivoire elle-même n’est que l’inter-
prétation en relief des thèmes iconographiques Iracés par les illus-
trateurs des manuscrits.
Cela dit, on me permettra de faire passer sous les yeux du lec-
teur quelques monuments entrés récemment dans nos collections et
destinés à y combler des lacunes; il en est parmi eux qui peuvent
viser plus haut et dont l’étude consciencieuse me paraît de nature
à éclairer d’un jour nouveau certains points controversés de l’histoire
de l’art.
Un oliphant, dont on trouvera ici la reproduction, est un ma-
gistral spécimen de ces instruments de musique plutôt primitifs
auxquels le souvenir des faits et gestes du paladin Roland est resté
attaché. Celui-ci provient d’Espagne, mais ne peut avoir été sculplé
dans la péninsule : contemporain de l’oliphant dit de Charlemagne,
conservé à Aix-la-Chapelle, il est sorti, vers le ix° ou le xc siècle,
peut-être plus tôt même, des mains d’un ouvrier oriental, syrien ou
égyptien : on y retrouve ces zones de rinceaux plats, ces frises d’ani-
maux se poursuivant si communs, les uns dans l’art copte, les autres
dans l’art oriental, influencé parla Perse, et dont les Byzantins ont
fait d’abord leur profit avant d'en transmettre les modèles à l’Occi-
dent. Ces trompes de chasse sont, presque toujours, jusqu’à une
époque assez avancée du moyen âge, des œuvres étrangères à nos
pays, importées soit comme simples objets de commerce, soit comme
réceptacles de reliques venues d’Orient. Je ne puis essayer ici ni de
dresser la liste très nombreuse de ces monuments ni par conséquent
de diviser cette série en classes bien distinctes ; je me contenterai
d’indiquer qu’un pareil travail, bien terre à terre en apparence,
aurait peut-être son utilité par les rapprochements qu’il permettrait
avec certains autres monuments. Puisque j’ai nommé les Coptes,
qu’il me soit permis de signaler une plaque de coffret montrant
à mi-corps la Mère de Dieu, fragment d’os sculpté qui me paraît
provenir d’Egypte ; le Louvre ne possédait jusqu’ici que des os
gravés ou sculptés d’ornements, offerts il y a quelques années par
M. Fouquet; ce petit bas-relief permet de se faire une idée d’un
travail de même style appliqué à la représentation de la figure
humaine : travail grossier, à dire vrai, mais qui atteste une phase
importante de l’art du moyen âge qui n’a pas encore été assez étudiée.
Parmi les ivoires de l’époque carolingienne, il n’en est guère
de plus intéressants, au point de vue iconographique, que ceux qui
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
mentale a été influencée par la sculpture en ivoire, alors qu'à cer-
taines époques la sculpture en ivoire elle-même n’est que l’inter-
prétation en relief des thèmes iconographiques Iracés par les illus-
trateurs des manuscrits.
Cela dit, on me permettra de faire passer sous les yeux du lec-
teur quelques monuments entrés récemment dans nos collections et
destinés à y combler des lacunes; il en est parmi eux qui peuvent
viser plus haut et dont l’étude consciencieuse me paraît de nature
à éclairer d’un jour nouveau certains points controversés de l’histoire
de l’art.
Un oliphant, dont on trouvera ici la reproduction, est un ma-
gistral spécimen de ces instruments de musique plutôt primitifs
auxquels le souvenir des faits et gestes du paladin Roland est resté
attaché. Celui-ci provient d’Espagne, mais ne peut avoir été sculplé
dans la péninsule : contemporain de l’oliphant dit de Charlemagne,
conservé à Aix-la-Chapelle, il est sorti, vers le ix° ou le xc siècle,
peut-être plus tôt même, des mains d’un ouvrier oriental, syrien ou
égyptien : on y retrouve ces zones de rinceaux plats, ces frises d’ani-
maux se poursuivant si communs, les uns dans l’art copte, les autres
dans l’art oriental, influencé parla Perse, et dont les Byzantins ont
fait d’abord leur profit avant d'en transmettre les modèles à l’Occi-
dent. Ces trompes de chasse sont, presque toujours, jusqu’à une
époque assez avancée du moyen âge, des œuvres étrangères à nos
pays, importées soit comme simples objets de commerce, soit comme
réceptacles de reliques venues d’Orient. Je ne puis essayer ici ni de
dresser la liste très nombreuse de ces monuments ni par conséquent
de diviser cette série en classes bien distinctes ; je me contenterai
d’indiquer qu’un pareil travail, bien terre à terre en apparence,
aurait peut-être son utilité par les rapprochements qu’il permettrait
avec certains autres monuments. Puisque j’ai nommé les Coptes,
qu’il me soit permis de signaler une plaque de coffret montrant
à mi-corps la Mère de Dieu, fragment d’os sculpté qui me paraît
provenir d’Egypte ; le Louvre ne possédait jusqu’ici que des os
gravés ou sculptés d’ornements, offerts il y a quelques années par
M. Fouquet; ce petit bas-relief permet de se faire une idée d’un
travail de même style appliqué à la représentation de la figure
humaine : travail grossier, à dire vrai, mais qui atteste une phase
importante de l’art du moyen âge qui n’a pas encore été assez étudiée.
Parmi les ivoires de l’époque carolingienne, il n’en est guère
de plus intéressants, au point de vue iconographique, que ceux qui