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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 21.1899

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Müntz, Eugène: Tolstoi͏̈ et la mission sociale de l'art
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

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ce qu'un brin, Les monuments de 1’architecture, de la sculpture, de
la peinture, au lieu de s’en prendre uniquement au fatras accumulé
par les critiques ! Que n’a-t-il daigné accorder un coup d’œil aux
marbres accumulés dans nos musées européens, à commencer par
celui de l’Ermitage! Il aurait épargné bien des contradictions au
lecteur débonnaire. Il ne lui serait pas arrivé de déclarer que les
sages anciens — Socrate, Platon et Aristote — n’admettaient que l’art
religieux; qu'il s’est même trouvé des éducateurs de l’humanité —
Platon, par exemple — et des nations entières —■ comme les maho-
métans et les bouddhistes — pour proscrire tout art.

A^oilà, certes, de la fantaisie et de la pire ! Se servir d’une bou-
tade isolée de Platon pour affirmer que le grand philosophe grec a
dénié à l’art le droit d'exister, alors que jamais écrivain n'en a
proclamé en termes plus éloquents la mission éducatrice ! Pro-
clamer, en face des marbres du Parthénon, de Delphes, d’Olympie.
de Pergame, que les Grecs n’admettaient que Part religieux! Par
bonheur, Tolstoï s’est chargé lui-même du soin de se réfuter. Quel-
ques pages plus loin, il a imprimé que les Grecs considéraient comme
le bon art celui qui traduit la joie et l’énergie de la vie, et comme
le mauvais art celui qui exprime la mollesse ou la dépression ; que
les Romains s’efforçaient de l’associer à la grandeur de leur empire,
d’en faire l'emblème du sacrifice du bien-être personnel au profit
du bien de la nation, etc. (p. 63-66).

Soutenir que les mahométans, qui nous ont légué tant de
merveilles d'ornementation, en Perse, en Egypte, en Tunisie ; en
Algérie, en Espagne, ont proscrit tout art! Voilà bien encore une
hérésie. Pour ce qui est des bouddhistes, que Tolstoï se transporte
donc au musée Cernuschi : il y verra s’il a affaire à des iconophobes!
Bref, à tout instant, l'étude, fut-ce la plus superficielle, des œuvres
d’art aurait montré à l’illustre penseur russe qu’il ne faut pas
trop prendre au pied de la lettre les déclarations de foi des esthé-
ticiens. Sans cesse, sous n'importe quelle latitude, les mœurs et les
instincts ont réservé à l’art la place qui lui revient de droit, alors
même que les croyances religieuses proscrivaient, comme chez les
Hébreux ou les mahométans, la reproduction des êtres animés.

Pour amener Tolstoï à choisi]' l’art comme pierre angulaire de
l'édifice nouveau du nouvel âge d’or, il n’a fallu rien moins que la
soif d’apostolat — je serais tenté de dire de martyre —dont est dévoré

1. Traduction Wyzewa, p. 60.
 
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