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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 21.1899

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Nr. 2
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Montrosier, Eugène: Jean-Paul Laurens, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24685#0167

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156

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

les parties qui semblent dominer ce livre; après avoir montré le
professeur conseillant utilement ses élèves, sans faiblesse ni parti
pris, je désirerais dire encore quelques mots sur l’homme, non pas
sur l’homme pris à son atelier, mais sur l’homme public, n’agissant
plus comme praticien, mais comme semeur d’idées.

Dans la notice sur Meissonier que Jean-Paul Laurens, qui
lui avait succédé, lut à l’Institut, le 5 mars 1892, il s’exprimait
ainsi :

« Depuis le jour où vous m’avez fait l’honneur de m’admettre
parmi vous, je n’ai cessé d’être préoccupé, et, à mesure que le temps
s’écoulait, mon inquiétude allait augmentant ; quelque chose pesait
sur moi ; vous connaissez, à l’heure où je parle, le motif de mes
appréhensions. Oui, une simple notice, voilà mes terreurs ! Pour
plusieurs d’entre vous, Messieurs, ce devoir n’est rien, mais il en est
peut-être (et je suis de ceux-là) qui n’écrivent pas deux mots sans
être troublés. Ces derniers pourront seuls juger de mon émotion,
puisqu’il s’agit de parler de mon illustre prédécesseur et d’apprécier
son œuvre. »

Toute la timidité et toute la modestie du grand artiste sont
indiquées dans les lignes que je viens de citer. Et, plus loin, comme
il dit vrai quand il apprécie la conscience de Meissonier grattant un
tableau terminé dont il n’était pas satisfait !

« C’est qu’il voyait plus loin, c’est qu’il ne cédait pas à cette
idée fausse et attristante qui mesure la valeur de l’œuvre à l’argent
qu’on en donne. La pente est glissante ; rare est le nombre de ceux
qui ne s’y laissent pas aller, alors qu’il serait plus sage de se
demander si le talent ne baisse pas quand les prix augmentent. Le
véritable artiste, vraiment soucieux de son œuvre, ne connaît pas de
tourment plus terrible que de se croire au-dessous de lui-même. »

Cette admiration pour les vrais artistes, Jean-Paul Laurens l’a
toujours professée ; mais, par contre, il est sans pitié pour ceux qui
se font un marche-pied de l’art.

Dans son discours à la distribution des récompenses du Salon
dernier, ne s’écriait-il pas, avec un beau mouvement de colère'

« Guerre au faux artiste, guerre au peintre amateur, ce vagabond
redoutable qui chemine trop souvent sur nos cimaises ! Chassons-le
sans pitié, celui-là, car il est la banalité grise et terne dont nos
Salons pourraient mourir. Place aux vrais privilégiés, à ceux qui
portent au front la vraie flamme, fleurs de gloire qui n’ont pas
besoin d’être nombreuses pour éclairer nos salles. »
 
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