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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 21.1899

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Nr. 3
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Leclercq, Julien: Alfred Sisley
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https://doi.org/10.11588/diglit.24685#0247

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

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avec des chairs transparentes et des visages colorés; l’attitude est
sans préméditation. Y a-t-il plus de liberté chez cet artiste, privi-
légié pour peindre sans littérature la femme enfant, habillée ou nue,
que dans La Chemise enlevée-, La Bacchante endormie, Les Baigneuses
et La Leçon de musique, de Fragonard ? Claude Monet, c'est l’enchan-
teur, comme Watteau; c’est le maître qui ne voit rien que grande-
ment et qui sait toutes les merveilles dont la nature se pare, tous
les voiles légers dont elle se couvre, tous les frissons qui l'agitent,
toutes les vibrations qui l’animent. Degas a de l’esprit au suprême
degré ; malicieux, on pourrait dire qu’il observe par derrière ou de
côté ou même du fond d’une cachette, et qu’il sourit, s’amuse, s’aban-
donne pour lui-même à des a parte ironiques.

C'est au milieu de ces artistes que Sisley a vécu, et c’est par sym-
pathie, à l’âge où le talent prend sa direction, qu'il était allé vers
eux. Monet l’avait conquis. Un vrai sentiment de nature, une âme
extralucide, un goût du merveilleux simple, une intelligence sans
vice littéraire, l'amour de son métier et une modestie noble le prédes-
tinaient à entrer dans les vues et à partager les ambitions d’iniluence
d’un groupe fécond, actif, original. Ce n'est pas superlatif de dire
que ce groupe initiateur nous a apporté la lumière, cet idéal souve-
rain de la peinture dont un Français, Claude Lorrain, est l’annon-
ciateur.

Sisley avait vingt-cinq ans en 1805. C'était l’année de la mort
de Troyon, que Rousseau allait bientôt rejoindre. 11 restait Corot,
Millet, Daubigny et Courbet. Ne connaissant guère d’œuvres de
Sisley antérieures à 1870, nous devons considérer que jusque lace
sont des années d’étude. C’est Corot qui l’impressionne, le Corot
clair et argenté, à la fois léger et solide, toujours large, profond,
infini, le Corot rêveur, calme et précis, qui, sous les voiles transpa-
rents et les ondulations de la poésie, est tout imprégné, comme un
Racine, de cette antique pureté grecque, et qui, au milieu des humi-
dités et des vapeurs délicieuses de la terre, semble, dans un état de
souriante adoration, goûter toutes les voluptés de l’esprit. Pissarro,
par exemple, qui était l’aîné de Sisley, inclinait plutôt du côté de
Troyon et de Millet.

Sisley est exclusivement paysagiste. A partir de 1872, nous
sommes amplement pourvus de documents pour le juger. Ses œuvres,
d’un placement d’abord difficile, si difficile qu’en des jours incléments
il en céda d’exquises à des prix dérisoires, variant de vingt-cinq à
cinquante francs, abondent aujourd'hui dans les collections. Dès
 
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