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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
à Botticelli, ne doit pas nous arrêter, car,, bien qu'on y retrouve
avec évidence la main qui peignit le tableau de Naples, et qu’elle
soit, d’ailleurs, de la même époque, elle a été tellement restaurée
qu’on distingue très peu l’ancienne peinture. Ce peu, néanmoins,
incline vers une tonalité unie et plus blonde, pareille à celle que
nous verrons tout à l’heure dans les Trois Archanges de Turin. En
attendant, nous pouvons nous occuper de la plus intéressante et de
la mieux conservée des premières Madones de notre anonyme, celle
qui, attribuée à Ghirlandajo, appartient à Mm0 Austen (Capel Manor,
Horsmonden, Kent). La Vierge nous apparaît encore ici sous le
poids de réflexions douloureuses ; elle est assise de côté, sur un mur
à hauteur d’appui; contre un porche voûté qui laisse voir une vallée
arrosée par une rivière. Elle est embrassée par l’Enfant, debout sur
ses genoux, tandis qu'un ange la regarde avec un mélange de sur-
prise et d’émotion. La Vierge et l'Enfant diffèrent peu des mêmes
figures dans la peinture de Naples, et cependant ils dénotent un
progrès notable, même au point de vue du type. La Madone a les
mêmes paupières lourdes, le dessin du bras de l’Enfant est tout aussi
défectueux que dans les panneaux de Naples et de Santa Maria
Nuova ; mais le modelé et la ligne des contours commencent à
s’estomper davantage. A noter aussi la chute de l’épaule de la Madone ;
les plis sont plus simples, indiquant que le peintre, d’accord avec
Botticelli, son modèle, commençait à se détourner de Pollaiuolo et
de Verrocchio, pour revenir aux traditions de Fra Filippo. La teinte
dorée des chairs, l’or bruni des chevelures, le mauve de la tunique
de l’Enfant, produisent un effet de tons d’une légèreté dont on ne
trouve pas l’équivalent dans l’œuvre de Botticelli; cela semblerait
indiquer chez l’auteur l’influence de l’enseignement on de l’exemple
de Filippo, alors que ce dernier peignait une œuvre comme sa Danse
de Salomé de Prato. Disons, en passant, qu’il existe encore un
curieux point de ressemblance entre notre peintre et Filippo Lippi.
Tout le monde aura remarqué l’absurde perspective du vase dans
P Annonciation de Filippo, maintenant à la National Gallery. Le
vase du tableau de Mme Austen n’est certainement pas aussi mal
dessiné, mais pourtant il est clair qu’il procède de ce modèle.
Imitateur sans caractère de Botticelli à l’origine, notre anonyme
devient une personnalité artistique bien distincte dans la peinture
que nous voyons ensuite. Il y rappelle encore Sandro, mais guère
plus que Pollaiuolo ou Verrocchio. Il montre un tempérament plus
gai et plus d’abandon que Sandro. Il ne prend pas son art au sérieux
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
à Botticelli, ne doit pas nous arrêter, car,, bien qu'on y retrouve
avec évidence la main qui peignit le tableau de Naples, et qu’elle
soit, d’ailleurs, de la même époque, elle a été tellement restaurée
qu’on distingue très peu l’ancienne peinture. Ce peu, néanmoins,
incline vers une tonalité unie et plus blonde, pareille à celle que
nous verrons tout à l’heure dans les Trois Archanges de Turin. En
attendant, nous pouvons nous occuper de la plus intéressante et de
la mieux conservée des premières Madones de notre anonyme, celle
qui, attribuée à Ghirlandajo, appartient à Mm0 Austen (Capel Manor,
Horsmonden, Kent). La Vierge nous apparaît encore ici sous le
poids de réflexions douloureuses ; elle est assise de côté, sur un mur
à hauteur d’appui; contre un porche voûté qui laisse voir une vallée
arrosée par une rivière. Elle est embrassée par l’Enfant, debout sur
ses genoux, tandis qu'un ange la regarde avec un mélange de sur-
prise et d’émotion. La Vierge et l'Enfant diffèrent peu des mêmes
figures dans la peinture de Naples, et cependant ils dénotent un
progrès notable, même au point de vue du type. La Madone a les
mêmes paupières lourdes, le dessin du bras de l’Enfant est tout aussi
défectueux que dans les panneaux de Naples et de Santa Maria
Nuova ; mais le modelé et la ligne des contours commencent à
s’estomper davantage. A noter aussi la chute de l’épaule de la Madone ;
les plis sont plus simples, indiquant que le peintre, d’accord avec
Botticelli, son modèle, commençait à se détourner de Pollaiuolo et
de Verrocchio, pour revenir aux traditions de Fra Filippo. La teinte
dorée des chairs, l’or bruni des chevelures, le mauve de la tunique
de l’Enfant, produisent un effet de tons d’une légèreté dont on ne
trouve pas l’équivalent dans l’œuvre de Botticelli; cela semblerait
indiquer chez l’auteur l’influence de l’enseignement on de l’exemple
de Filippo, alors que ce dernier peignait une œuvre comme sa Danse
de Salomé de Prato. Disons, en passant, qu’il existe encore un
curieux point de ressemblance entre notre peintre et Filippo Lippi.
Tout le monde aura remarqué l’absurde perspective du vase dans
P Annonciation de Filippo, maintenant à la National Gallery. Le
vase du tableau de Mme Austen n’est certainement pas aussi mal
dessiné, mais pourtant il est clair qu’il procède de ce modèle.
Imitateur sans caractère de Botticelli à l’origine, notre anonyme
devient une personnalité artistique bien distincte dans la peinture
que nous voyons ensuite. Il y rappelle encore Sandro, mais guère
plus que Pollaiuolo ou Verrocchio. Il montre un tempérament plus
gai et plus d’abandon que Sandro. Il ne prend pas son art au sérieux