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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
l’analogie du château fort si remarquablement détaillé qu’on voit à l’arrière-
plan du tableau de Dijon, avec le château des comtes de Flandre tel qu’il nous
apparaît aujourd’hui, dégagé des constructions parasites qui l’enserraient. Les
églises de Gand n’offrent point les tours aiguës et cantonnées de clochetons
chères au maître dit de Flémalle; mais personne n’ignore que toutes ont subi de
graves altérations au cours des siècles, et, certainement, la tour de l’église Saint-
Nicolas, vue dans le grand plan de 1562, offre une analogie frappante avec l'une
de celles représentées à l’arrière-plan de la Nativité du musée de Dijon.
A qui maintenant faire honneur de la fresque gantoise? M. de Busscher
mettait en avant le nom de l’un des Martins : Jean, ou plus plausiblement son
fils Nabuchodonosor, ditNabur ouNabor,ce dernier admis franc-maître delà gilde
des peintres de sa ville natale en 1435 et mort en 1454. Les œuvres de l'un et
de l’autre sont inconnues et van Mander les passe sous silence. Pourtant, les
actes scabinaux en mentionnent plusieurs.
En 1419-1420, Jean travailla pour la Chambre échevinale et, dès cette époque
— celle des van Eyck, notons-le bien, — exécuta à l'huile les portraits des comtes
de Flandre, depuis Baudouin Bras de Fer jusqu’à Jean sans Peur. Tantôt seul,
tantôt en collaboration avec Guillaume van Axpoel ou Guillaume de Ritsere, il
fut chargé de peindre et de rehausser d’or la chapelle des échevins de la Keure.
En 1430, il participa aux travaux de décoration pour l’entrée d’Isabelle de
Portugal et semble devoir être identifié avec ce Jehan Martin qui concourut à
Bruges, en 1467, aux décorations des noces de Charles le Téméraire.
Nabor Martins, à dater de 1434, ne travaille pas moins pour la ville, et l’on
possède divers contrats d’entreprises qui le représentent comme un maître des
plus importants. Non content d’exécuter des peintures murales, de livrer des
cartons de vitraux, l’un notamment avec les saints patrons de la Toison d’or,
saint Georges et saint André, il exécute, entre autres retables, celui du maître-
autel de l’église Sainte-Walburge, à Audenarde, en 1443, et un second en 1444
pour Notre-Dame-Saint-Pierre, à Gand, un troisième pour l’église de Lede, en
Flandre. Il paraît avoir été fort soigneux de ses œuvres, car divers contrats de
commandes stipulent des dédits en cas de non-achèvement des travaux dans les
délais prescrits.
Rien n’a subsisté des œuvres de cet artiste. Etant donné, toutefois, que la
peinture de la Boucherie de Gand est datée de 1448, il est possible que Nabor, le
peintre le plus considéré de l’époque, ait été chargé d’un ensemble de cetle
importance, où devaient figurer les souverains alors régnant sur la Flandre. Il
serait contraire à la vraisemblance comme aux habitudes qu’un centre artistique
aussi notable que Gand à cette époque eût recouru au pinceau d’un maître du
dehors, alors que, tout au contraire, Martins était sollicité par d’autres villes
flamandes.
Les historiens de l’art en Flandre ont été malheureusement mis sur une
fausse voie par la confection et la publication d’une série de documents relatifs
à la gilde des peintres gantois dont le caractère frauduleux vient à peine d’être
dévoilé. M. Victor van der Ilaeghen, l’érudit archiviste, vient de faire paraître dans
les Mémoires de l’Académie de Belgique une étude d’ensemble sur ces pièces
entachées de faux, que son prédécesseur, M. de Busscher, eut la faiblesse d’accepter
pour vraies et d’admettre comme sources de ses Recherches sur les peintres gantoist
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
l’analogie du château fort si remarquablement détaillé qu’on voit à l’arrière-
plan du tableau de Dijon, avec le château des comtes de Flandre tel qu’il nous
apparaît aujourd’hui, dégagé des constructions parasites qui l’enserraient. Les
églises de Gand n’offrent point les tours aiguës et cantonnées de clochetons
chères au maître dit de Flémalle; mais personne n’ignore que toutes ont subi de
graves altérations au cours des siècles, et, certainement, la tour de l’église Saint-
Nicolas, vue dans le grand plan de 1562, offre une analogie frappante avec l'une
de celles représentées à l’arrière-plan de la Nativité du musée de Dijon.
A qui maintenant faire honneur de la fresque gantoise? M. de Busscher
mettait en avant le nom de l’un des Martins : Jean, ou plus plausiblement son
fils Nabuchodonosor, ditNabur ouNabor,ce dernier admis franc-maître delà gilde
des peintres de sa ville natale en 1435 et mort en 1454. Les œuvres de l'un et
de l’autre sont inconnues et van Mander les passe sous silence. Pourtant, les
actes scabinaux en mentionnent plusieurs.
En 1419-1420, Jean travailla pour la Chambre échevinale et, dès cette époque
— celle des van Eyck, notons-le bien, — exécuta à l'huile les portraits des comtes
de Flandre, depuis Baudouin Bras de Fer jusqu’à Jean sans Peur. Tantôt seul,
tantôt en collaboration avec Guillaume van Axpoel ou Guillaume de Ritsere, il
fut chargé de peindre et de rehausser d’or la chapelle des échevins de la Keure.
En 1430, il participa aux travaux de décoration pour l’entrée d’Isabelle de
Portugal et semble devoir être identifié avec ce Jehan Martin qui concourut à
Bruges, en 1467, aux décorations des noces de Charles le Téméraire.
Nabor Martins, à dater de 1434, ne travaille pas moins pour la ville, et l’on
possède divers contrats d’entreprises qui le représentent comme un maître des
plus importants. Non content d’exécuter des peintures murales, de livrer des
cartons de vitraux, l’un notamment avec les saints patrons de la Toison d’or,
saint Georges et saint André, il exécute, entre autres retables, celui du maître-
autel de l’église Sainte-Walburge, à Audenarde, en 1443, et un second en 1444
pour Notre-Dame-Saint-Pierre, à Gand, un troisième pour l’église de Lede, en
Flandre. Il paraît avoir été fort soigneux de ses œuvres, car divers contrats de
commandes stipulent des dédits en cas de non-achèvement des travaux dans les
délais prescrits.
Rien n’a subsisté des œuvres de cet artiste. Etant donné, toutefois, que la
peinture de la Boucherie de Gand est datée de 1448, il est possible que Nabor, le
peintre le plus considéré de l’époque, ait été chargé d’un ensemble de cetle
importance, où devaient figurer les souverains alors régnant sur la Flandre. Il
serait contraire à la vraisemblance comme aux habitudes qu’un centre artistique
aussi notable que Gand à cette époque eût recouru au pinceau d’un maître du
dehors, alors que, tout au contraire, Martins était sollicité par d’autres villes
flamandes.
Les historiens de l’art en Flandre ont été malheureusement mis sur une
fausse voie par la confection et la publication d’une série de documents relatifs
à la gilde des peintres gantois dont le caractère frauduleux vient à peine d’être
dévoilé. M. Victor van der Ilaeghen, l’érudit archiviste, vient de faire paraître dans
les Mémoires de l’Académie de Belgique une étude d’ensemble sur ces pièces
entachées de faux, que son prédécesseur, M. de Busscher, eut la faiblesse d’accepter
pour vraies et d’admettre comme sources de ses Recherches sur les peintres gantoist