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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Les sujets qui y sont représentés sont d’ailleurs les mêmes et c'est
généralement, pour l’édification des âmes pieuses, la vie et la
passion du Christ, plus rarement la vie de la Vierge ou de quelque
saint qui en fournissent le thème. Ce qui ressort de la comparaison
que leur réunion permet, c’est que ces petites pièces, souvent purs
articles de commerce, devaient être faites d’après des patrons qui
circulaient dans les ateliers, chaque artisan apportant forcément, à
cette heureuse époque où les procédés mécaniques de reproduction
étaient ignorés, sa part d’invention et d’habileté individuelle dans
l’interprétation du modèle donné. C’est ainsi, pour ne citer qu’un
exemple, que nous voyons les mêmes scènes de la vie du Christ
se succéder avec les mêmes dispositions et suivant un ordre iden-
tique, modifiées seulement, dans l’accessoire du détail, sur deux
diptyques appartenant au musée de Dijon et à la collection Campe.
Mentionner ici tous ceux qui mériteraient de l’être et que l’Expc-
position doit à M. le baron Oppenheim, M. le comte de Valencia,
MM. Cottreau, Boy, Garnier, Bardac et d’autres encore, nous
entraînerait au delà des limites permises à cette rapide revue.
L’amour est presque l’unique thème qui a inspiré les ivoiriers
dans la décoration des coffrets, boîtes de miroirs, tablettes à écrire,
de ces menus et délicats objets d’ordre intime, d’un usage exclusi-
vement civil et particulièrement féminin. Pour les hommes des xive
et xvfi siècles, fort au fait des romans de chevalerie, les allusions
devaient être des plus claires ; elles le sont souvent moins pour nous.
Nous avons bien reconnu, dans un coffret appartenant à M. Mann-
heim, frère ou cousin d’un autre coffret du musée du Louvre, la
lamentable et touchante aventure de la châtelaine de Vergy, divisée
en une série de petits tableaux comme les couplets d’une complainte;
dans une boîte de miroir de M. Cardon, sur laquelle un jeune homme
et une jeune fille s’absorbent en une partie de tric-trac, l’avant-
dernier acte de l’aventure de Huon de Bordeaux, où se joue la tête
de l’un et la vertu de l’autre ; sur un admirable coffret de M. le baron
Oppenheim, le lai d’Aristote, la fontaine de Jouvence, l’homme
sauvage, la prise de la Licorne, les prouesses de Lancelot, et l’épisode
de Tristan et Yseult surpris à la fontaine par la jalousie du roi Mark.
Mais il nous est plus malaisé d’expliquer le sens et l’enchaînement
des faits qui se déroulent tout au long sur deux coffrets de
MM. Mannheim et Théwalt et qui se retrouvent encore, mais sous
un aspect réduit, sur un peigne de M. Salting, une plaque de M. Cot-
treau, et des boîtes à miroirs du musée d’Angers et de la collection
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Les sujets qui y sont représentés sont d’ailleurs les mêmes et c'est
généralement, pour l’édification des âmes pieuses, la vie et la
passion du Christ, plus rarement la vie de la Vierge ou de quelque
saint qui en fournissent le thème. Ce qui ressort de la comparaison
que leur réunion permet, c’est que ces petites pièces, souvent purs
articles de commerce, devaient être faites d’après des patrons qui
circulaient dans les ateliers, chaque artisan apportant forcément, à
cette heureuse époque où les procédés mécaniques de reproduction
étaient ignorés, sa part d’invention et d’habileté individuelle dans
l’interprétation du modèle donné. C’est ainsi, pour ne citer qu’un
exemple, que nous voyons les mêmes scènes de la vie du Christ
se succéder avec les mêmes dispositions et suivant un ordre iden-
tique, modifiées seulement, dans l’accessoire du détail, sur deux
diptyques appartenant au musée de Dijon et à la collection Campe.
Mentionner ici tous ceux qui mériteraient de l’être et que l’Expc-
position doit à M. le baron Oppenheim, M. le comte de Valencia,
MM. Cottreau, Boy, Garnier, Bardac et d’autres encore, nous
entraînerait au delà des limites permises à cette rapide revue.
L’amour est presque l’unique thème qui a inspiré les ivoiriers
dans la décoration des coffrets, boîtes de miroirs, tablettes à écrire,
de ces menus et délicats objets d’ordre intime, d’un usage exclusi-
vement civil et particulièrement féminin. Pour les hommes des xive
et xvfi siècles, fort au fait des romans de chevalerie, les allusions
devaient être des plus claires ; elles le sont souvent moins pour nous.
Nous avons bien reconnu, dans un coffret appartenant à M. Mann-
heim, frère ou cousin d’un autre coffret du musée du Louvre, la
lamentable et touchante aventure de la châtelaine de Vergy, divisée
en une série de petits tableaux comme les couplets d’une complainte;
dans une boîte de miroir de M. Cardon, sur laquelle un jeune homme
et une jeune fille s’absorbent en une partie de tric-trac, l’avant-
dernier acte de l’aventure de Huon de Bordeaux, où se joue la tête
de l’un et la vertu de l’autre ; sur un admirable coffret de M. le baron
Oppenheim, le lai d’Aristote, la fontaine de Jouvence, l’homme
sauvage, la prise de la Licorne, les prouesses de Lancelot, et l’épisode
de Tristan et Yseult surpris à la fontaine par la jalousie du roi Mark.
Mais il nous est plus malaisé d’expliquer le sens et l’enchaînement
des faits qui se déroulent tout au long sur deux coffrets de
MM. Mannheim et Théwalt et qui se retrouvent encore, mais sous
un aspect réduit, sur un peigne de M. Salting, une plaque de M. Cot-
treau, et des boîtes à miroirs du musée d’Angers et de la collection