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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 29.1903

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Nr. 1
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Cantinelli, Richard: Gustave Ricard
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https://doi.org/10.11588/diglit.24811#0118
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

création d’un portrait de Ricard, ne le trouva ressemblant qu’après
le départ du modèle. Et Ricard lui-même, par une aperception de
sa propre vision, disait à certains de ses amis : « J'ai plaisir à voir
combien vous ressemblez à votre portrait. » Il écrit : « Mon por-
trait avec sa calotte rouge sur fond rouge passe pour le plus ressem-
blant que j’aie fait. Cette entreprise, où j’ai si souvent échoué, a
tourné bien grâce au bon génie de l’amitié. C’est aussi à une
visite amie que j’ai dû de surprendre mon regard, tandis que je
disais bonjour en m’excusant de ne J)as m’interrompre de ce tra-
vail. » Il ne copie pas, mais il recueille en lui les diverses impres-
sions reçues, les coordonne, les distille en quelque sorte, et de toute
la vie, de toute l’âme qu’il a ainsi dérobées, il crée à son tour un
portrait vivant et animé.

La réalité toujours grossière, le choque à ce point qu’il inter-
pose entre elle et son œil une sorte dévoilé. M. Félix Abram me
raconte que, pendant qu’il posait, le jour ne tombait sur son visage
que filtré et atténué par une gaze blanche que Ricard avait imaginé
de suspendre à quelque distance de la fenêtre. Ainsi, les lumières
crues étaient en quelque sorte vaporisées et les ombres rendues plus
légères. Etrange satisfaction accordée à l’idéalisme du peintre que
cette lumière, presque irréelle, spiritualisant son modèle !

Car il fut un peintre idéaliste, presque mystique, et moderne au
plus haut point, habile à démêler la beauté de visages dont le type
animal se confond et s’annihile chaque jour, et dont tout battrait
consiste en ce que l’âme y marque plus vivement son empreinte.

Plutôt que la figure humaine, de chair et de muscles, il peignit
le charme, le mystère qui en émanent, il fixa sur la toile b indéfi-
nissable qui établit une correspondance entre nous et ceux que nous
aimons, cela même qui seul subsiste en notre mémoire après qu’ils
sont morts. Il immortalisa la grâce fugitive, souvent mélancolique,
d’un sourire, l’orgueil, le songe d’un regard, la splendeur vibrante
d’un incarnat, la langoureuse tendresse enclose aux toisons blondes
et

Le long fleuve de paix léthargique et d’oubli
Qui coule des cheveux profonds des brun* tristes.

Et c’est pourquoi sa peinture est toute de nuances et que seuls
les yeux aptes à percevoir les nuances peuvent jouir de son œuvre.

« C’est aussi, dit une de ses lettres à son frère Emile, c’est aussi
par ta bouche que la Peinture me criait de prendre garde au péril
 
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