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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 29.1903

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Nr. 3
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Bouchot, Henri: Les portraits de Louis XI
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https://doi.org/10.11588/diglit.24811#0246
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

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médiane est sensible encore. Et puis, nous avons un autre document,
celui-là plus naïf, plus sur peut-être, pour établir définitivement la
ressemblance du roi : c’est le croquis envoyé au peintre Colin
d’Amiens, afin de confectionner l’effigie royale pour le tombeau que
le prince a ordonne à Notre-Dame de Cléry. Ici, Louis XI est repré-
senté en pied, dans un élégant costume de chasse; il est à genoux,
comme autrefois son père dans la miniature de Fouquet au Livre
(THeures d’Étienne Chevalier. Ce croquis a été publié; il est fort
médiocre, mais il nous a gardé la cambrure aquiline du nez et la
forme générale du petit portrait d’Arras1.

Il n’y a donc plus à discuter ce point; Laurana, qu’on avait cru
exagérer une tare de nature, était, en réalité, un traducteur fidèle; il
n’avait rien ajouté de sa façon. C’est sur sa mesure désormais que
nous devons confronter les autres effigies du roi pour séparer le vrai
du faux, et, précisément, le portrait de Gaignières n’a répondu
qu’assez imparfaitement à ce contrôle. Au contraire, le Louis XI de
Fontainebleau, si nous en croyons Jean Morin, l’un des plus grands
maîtres de la gravure française du xvne siècle, s'accorderait mieux
à la confrontation. Le roi a cinquante ans passés; il a perdu son
rival, le duc de Bourgogne ; il a moins de soucis; son nez, « longuet et
ung peu hault », s’est alourdi; ses joues ont pris de la rondeur et de
l’épaisseur. C’est le temps où l’Italien Florio a vu la Touraine, où il
nous décrit la musique de la chapelle royale au Plessis-lès-Tours, la
bonne époque où la cour de France n’a pas, ce semble, le coté uti peu
théâtral efforcé que lui attribue Commines, et que AValter Scott
romantise dans son Quentin Durward. Ce Louis XI de Fontainebleau
a dans sa mine quelque chose de reposé, de monacal et de guilleret,
un peu fait pour nous surprendre. Ce devait être, cependant, la note
vraie, en 1477, sur ses cinquante-quatre ans, après les réussites, la
ruine des adversaires, avant la maladie de la fin. Autant qu’on peut

i. Ce croquis se trouve dans un des manuscrits de Gaignières, à la Bibliothèque
Nationale; il a été publié dans les pièces justificatives de l’édition des Mémoires
de Commynes, pour la Société de l’Histoire de France. C’est Louis Xt lui-même
qui ordonne sa ligure; il veut le nez aquilin : « a tout le plus beau visaige... et
jeune et plein; le netz (nez) longuet et ung petit hault... Et ne le faictes point
chauve », ajoute le secrétaire, écrivant au peintre Colin d’Amiens. Les cheveux
doivent être longs derrière, et le chapeau bien renversé à la main. Le croquis
donne la tournure de l’effigie projetée, détruite depuis, et remplacée par la statue
de Bourdin. Le modèle fourni par Colin d’Amiens était en bronze et avait été
fondu par Conrad de Cologne. On voit que le vieux roi n’aimait pas qu’on le re-
présentât chenu et décrépit. Il se rappelait son portrait de Gand en sa belle jeu-
nesse.
 
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