Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 34.1905)

UN PROJET DE PRUD’HON

POUR L’ESCALIER DU MUSÉUM CENTRAL DES ARTS

près des années de misère et d’obscurité,
Prud’hon avait, au lendemain du 18 bru-
maire, trouvé enfin l’emploi de son génie
et rompu, au moins pécuniairement, avec
la mauvaise fortune. L’illustrateur de Y Art
d'aimer de Gentil Bernard et des romans
traduits du grec édités par Renouard, le
fournisseur d’étiquettes pour l’orfèvre Mer-
len ou le confiseur Berthélemot, le vignet-
tisle d’en-têtes de lettres pour diverses admi-
nistrations, avait obtenu, sans doute par l’entremise de Erochot, de venu
préfet de la Seine, un logement et un atelier au Louvre : c’est là qu’il
avait peint son premier grand tableau La Sagesse et la Vérité descen-
dant sur la terre. L’accueilque firent à cette composition, aujourd'hui
suspendue dans l’escalier du pavillon Mollien, le public et la critique
valut à l’auteur la commande de la décoration de l’hôtel de Lanoy,
rue Laffitte, dont les plafonds et les panneaux sont depuis longtemps
démembrés et dispersés. Son esprit et sa main enfantaient alors de
nombreux projets allégoriques qui, pour être restés la plupart à
l’état d’esquisses, ne sont pas moins très précieux, tels que ces
colonnes monumentales qu’il proposait d’ériger, soit aux braves
morts dans les guerres de la liberté *, soit à la gloire de Desaix,
sur la place Dauphine, ou bien encore le dessin d’un fronton, que
Ramey avait modelé en plâtre, pour l’Hôtel-Dieu. Une autre com-
position symbolique, celle de La Paix, qu’il dégagea d’un thème 1

1. Voyez le texte de l’explication rédigée par Prud’hon au verso de sou
dessin, et commentée par Anatole de Montaiglon dans les Archives de l’Art fran-
çais, lre série, tome IV, p. 340-330.