Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 35.1906)

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

font croire à quelque sortilège. Et quelle géologie sombre et simple et solide!
Le sortilège consiste dans un procédé à l’encaustique patiemment retrouvé par
l’artiste, procédé d’une souplesse et d’un éclat incomparables qui jette le gant à
toutes les solutions des problèmes lumineux proposées par l’impressionnisme :
mais il y faut aller du fer à repasser par-dessus la toile enduite de la pâteuse
matière colorante, et cela pourrait suffire à discréditer le principe auprès de ceux
à qui il sera plus facile de rire que de se convaincre des extraordinaires résultats
que voici atteints. Un autre tableau de M. Urban oppose à cette grandiose solitude
désolée le contraste d’un vaste paysage panoramique, un entier morceau de l’ile
d’Elbe, golfe et montagne, les pentes terreuses entre ciel et mer, verdoyantes de
toute l’éphémère fraîcheur de l’Avril italien; T avant-plan nu plongeant dans une
forêt de chênes verts est certainement l’un des meilleurs de l’artiste, dont la ten-
dance a été souvent de les sacrifier avec une hâte un peu sommaire. Auprès de
lui MM. Karl Kustner, Franz Hocli et Raoul Frank — celui-ci avec des glèhes
hongroises bien noires sous un ciel étourdissant — maintiennent le bon renom du
groupe Luitpokl à la tête des paysagistes, comme M. Cari Marr en tête des peintres
de figures. M. Hans von Bartels n’est aujourd’hui dépassé par aucun peintre de
marines dans l’art de célébrer les grands gestes des tempêtes d’arrière-saison et
de détailler les panaches capricieux des embruns de neige sur les eaux sablon-
neuses de la mer du Nord. Et comme il raconte la vie des pêcheurs sur les dunes
de Hollande ! Et comme il sait varier ses motifs et s’accroître d’année en année
de toutes les qualités qu’une compréhension sympathique des écoles les plus
opposées lui permet de coordonner! La liberté, l’aisance et la distinction fran-
çaises ne semblent pas si éloignées qu’on le craint du vouloir de puissance et de
rudesse de certains artistes allemands, lorsqu’on les voit faire si bon ménage
dans cette œuvre tour à tour si riche en paysages discrets et rares comme des
Gazin — voir celui du musée de Prague, — ou en éclairages fulgurants comme
des Detmann. M. von Bartels est tout à la fois l’un des plus délicats observateurs
et l’un des plus vigoureux manieurs de belles pâtes d’entre les artistes allemands,
et l'union de ces qualités contradictoires lui créé un isolement dont il a le droit
d’être fier. Il n’a pas d’imitateurs parce qu’il n’en saurait avoir. On imite des
excentricités et des manières; la sienne est simplement de faire bien, de faire
mieux, de faire toujours mieux. Je dirais volontiers de lui que c’est en art l’un
des meilleurs prosateurs classiques de notre temps, et Dieu me garde d’enfermer
dans cette épithète de classique quoi que ce soit signifiant une quelconque
parenté avec de l’académisme. Une personnalité qu’il fait également bon retrouver,
c'est M. Léo Samberger. Maintenant que Lenbach est mort, il n’y aura, sans doute
plus aucune raison de lui refuser justice plénière, quoique ce soit le moine après
le grand seigneur. Chez ce maître sauvage et puissant, à la psychologie misan-
thrope, la belle perspicacité détachée et ironique du glorieux aîné se trouve rem-
placée par une âpre et cruelle façon de scruter les faces et les consciences et de
les jeter toutes vives, les unes mêlées aux autres, dans des fusains véhéments et
dénonciateurs ou sur des panneaux en fonction de pilori. La couleur alors s’y
comporte avec des cruautés de flamme purificatrice et des ondoiements d’échine
de dragon. Elle est triste mais pas morne, désabusée mais pas résignée, ascétique
mais pas éteinte : elle est surtout vengeresse. Tel de ces portraits pose la plus
stupéfiante, la plus disproportionnée équation entre la hautaine et géniale tris-