Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 35.1906)

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

Que des créatures d'élection s’approchent! Car on peut se demander comment
évoluera cette peinture lorsque les modèles sauront inspirer à l’artiste un amour
autre que celui de l’art, ou simplement de l’admiration. On le vit l’année où il
exposa le portrait de sa femme. On le voit encore cette année-ci avec les por-
traits du directeur de la Pinacothèque et du critique André Germain. Et puis
c'est lui qui aurait dû rencontrer M®r SLrossmayer, le Strossmayer des dernières
années que j’ai connu. lien eût tiré encore autre chose et d’aussi puissamment
décoratif que son fameux portrait de l'archevêque de Bamberg. — 11 est encore
deux artistes allemands que je voudrais mettre hors pair : l’un, un maître déjà
colé, M. Angelo Jank, dont le tableau des Lances a fait la fortune, et l’autre, un
tout jeune homme : M. Cari Schmoll von Eisenwerth. M. Jank, après avoir donné
des séries patientes et brutales de petites villes allemandes aux toitures rouges
et aux tours rébarbatives perdues dans la paix provinciale des prairies vertes
et des allées d’arbres centenaires au bord de ruisselets paresseux, s’est tout à
coup jeté dans une série de tableaux de sport où, sur des fonds roux et gris, s’en-
lèvent [des cavalcades de chevaux bais, d’amazones et de chasseurs rouges, des
galopades elfrénées de chiens blancs marqués de roux, et c’esL encore un tableau
de ce genre, son succès de cette année : des sonneurs de cor, rouges sur des che-
vaux blancs, rassemblent les meutes, et leurs grandes silhouettes décoratives sem-
blent déteindre en rose sur un ciel verdâtre d’une grâce et d’une fraîcheur inex-
piimables. M. Schmoll est la [dus récente invention de la Sécession de Munich et
de Vienne et de la Colonie artistique de Darmstadt. Architecte, verrier, sculpteur
et huchier, aquafortiste, aquarelliste, algraphiste, lithographe et graveur sur
bois, il a fait ses preuves depuis longtemps, depuis sa sortie de collège, pourrait-
on dire. La jeune génération allemande n’a pas un second dessinateur de cette
opiniâtreté et de ce charme. Ses études de nu ont l’emportement synthétique
des dessins des plus grands maîtres italiens; ses études d’arbres et de sol joi-
gnent à la patience d'un Menzel une grâce, une liberté, quelque chose de désin-
volte et cTému, qui en tempère la science. C’est le plus lyrique artiste à la for-
mation duquel j’aie assisté depuis longtemps : il y a en lui du Schumann, avec des
dons d’aristocratie et d'étrangeté bien particuliers. Son répertoire de motifs
allemands est d’une richesse qui s’est singulièrement accrue en Italie, en Sicile,
en Corse, en France, en Angleterre et en Norvège. Les voyages ont affermi sa
personnalité et il a su s’assimiler les enseignements les plus divers. 11 a le goût
des belles matières et un sens tout spécial des grandes masses décoratives: ses
plus petites gouaches ont quelque chose de monumental, et sa composition, la
mise en place de ses motifs lui appartiennent en propre. Cavalier et chasseur, il
fait bénéficier son art de son aptitude à tous les sports: il a presque quelque
chose d’inquiétant dans le bonheur de son développement et l’ordre qu’il ap-
porte au classement de ses idées et de ses sensations; il a beaucoup étudié
Goethe, et Goethe serait, je crois, content de lui.

De la France nous ne dirons rien, puisque le meilleur est là de ce que la
Gazette des Beaux-Arts à étudié si consciencieusement au moment des Salons.
A peine ceux-ci fermés, le choix même que nos revues les plus autorisées avaient
indiqué a pris le chemin de Munich.

De la Suisse, il y aurait tant à dire que nous consacrerons à son exposition
de Munich, parallèlement à celle de Bâle, qui vient de prendre l’importance d’un