Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 35.1906)

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

tueuses, serties dans les rudes traits de plomb qui les séparent, s’har-
monisent en une lumière ambrée, très douce malgré l’éclat des
couleurs, qui donne plus particulièrement devant ce vitrail cette
impression de clarté chaude et dorée qu’on voit rayonner déjà dans
le chœur de Brou. Malgré son exposition au nord, cette verrière
semble illuminée par un perpétuel soleil d’automne.

L’histoire du beau vitrail que nous venons de décrire est assez
courte, car les documents sont peu nombreux; mais nous verrons
qu’il trahit lui-même ses origines et, loin d’avoir été conçu et exécuté
par un seul artiste, il est le fruit d’un travail collectif, qui ne nuit
en rien à sa magnifique unité.

Marguerite d’Autriche avait chargé, en automne 1512,vanBoghem,
maitre-maçon de Bruxelles, de construire son église qui n’était pas
commencée L Van Boghem retournait tous les ans en Flandre passer
l’hiver dans sa famille et reprendre les ordres précis de Marguerite
d’Autriche, qui tenait à avoir tout sous son contrôle direct, notons-
le bien; tous les plans passaient sous ses yeux et étaient signés de
sa main. La gouvernante des Pays-Bas apprécia tellement les services
de van Boghem que, peu de temps après, elle le chargea des entre-
prises qui n’étaient pas de son métier, charpentes, boiseries, mau-
solée, et en particulier des verrières2. Van Boghem, en acceptant la
direction générale, ne chercha pas pourtant à sortir de sa compé-
tence et il s’adressa à des maîtres spéciaux pour l’exécution des
parties qui n’étaient pas de son métier. Comme il avait conservé
■contact avec la Flandre, ce fut plutôt parmi ses compatriotes, à
Bruxelles, qu’il chercha des maîtres pour lui fournir les cartons des
verrières; c’est ce qui ressort des deux pièces suivantes extraites par
M. Princhart delà comptabilité de Marguerite3 : « 27 novembre 1525.
A maître Loys van Bodeghem, maître-maçon de l’édifice, qui présen-
tement se fait au couvent de Madame à Brou-lès-Bourg-en-Bresse,
la somme de LXIII livres XIII sols (de XL sols la livre) qui lui était
due pour les parties qu’il a payées, ainsi que s’ensuit : première-
ment : pour certains grands patrons sur papier, historiés et armoyés
des armes d’icelle dame, pour servir à faire quatre belles et grandes

1. V. Nodet, Jean Perréal et Marguerite d’Autriche (Annales de la Société
cVémulation de l’Ain, 1903, p. 237).

2. Mémoire de van Boghem aux exécuteurs testamentaires, 12 juillet 1333
.(Archives du Nord), publié par Houdoy dans la Gazette des Beaux-Arts, 1872, t. U,
p. 174.

3. B. Prost, Notice sur les vitraux de Saint-Julien (Jura) et incidemment sur les
vitraux de Brou. Lons-le-Saulnier, 1883.