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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 35.1906

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Nr. 2
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Nodet, Victor: Un vitrail de l'église de Brou: Titien et Albert Durer
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https://doi.org/10.11588/diglit.24817#0118

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

aussi, en a fourni le canevas : Y Apparition du Christ à la Made-
leine. C'est la même disposition générale, le même jardin avec les
Saintes Femmes qui arrivent au loin; c’est le même mouvement du
Christ, la même attitude de la Madeleine; mais, dans les détails, que
de différences! Le Christ, débarrassé de son chapeau de jardinier,ne
regarde plus la pénitente avec cette douceur pénétrante qu’il a dans
le bois de la Petite Passion de Dürer; il regarde le spectateur et son
geste est machinal; la Madeleine est une jeune femme en vêtements
somptueux qui écarte les mains en signe d’étonnement, alors que
dans le maître allemand elle est affaissée par l’émotion, une main
appuyée sur son rustique vase de parfum, l’autre se levant dans un
mouvement d’hésitation et de prière : là encore, même transposition
dans le sens du convenu classique, moins réel et plus théâtral. Ajou-
tons enfin que le vitrail du bas, Y Apparition du Christ à sa mère, doit
également beaucoup à une gravure de Dürer (Bartsch, 46), qu’il
rappelle en contre-partie; l’analogie est peut-être plus lointaine,
mais là aussi elle est certaine.

Revenons à notre vitrail et constatons en passant le danger d’épi-
loguer et de voir dans les détails d’une œuvre d’art des allusions
aux sentiments de ceux qui l’ont édifiée. Insistant notamment sur
le fait que la Vierge reçoit une couronne fermée, alors que le Christ
n’a qu’une couronne ouverte, Jarrin dans sa monographie de Brou 1
conclut de son étude des vitraux : « Les verrières de Brou donnent
à notre église tout son sens. Plus que rien autre ici, elles accusent
leur xvi° siècle et l’invasion, dans une théologie qui se dit et se croit
immuable, d’un esprit nouveau, — non de celui qui souffle de
Genève ou de Wittemherg, mais de celui qui vient de l’autre côté
des Alpes. » Il paraît un peu excessif d’accuser Albert Dürer d'ultra-
montanisme et de réaction contre la Réforme2. Dans le même ordre
de remarques, une tradition faisait constater que Marguerite avait
fait mettre loin derrière elle les lys de France, tout au bout de la
traîne de son manteau ducal, et ceci, disait-on, par ressentiment
d’avoir été répudiée par Charles VIII et par politique anti-française.
Or ces fleurs de lys sont à leur place dans l’écu du comté de Nevers,
dont sont écartelées les armes de Marguerite d’Autriche, tissées,
comme nous l’avons vu, sur son manteau.

1. Ch. Jarrin, Brou (Annales de la Société d'émulation de l'Ain, 1887, p. 346;.

2. M. E. Chevrier voit, au contraire, dans la frise de Titien une profession de
foi calviniste [Notice historique sur le protestantisme dans l’Ain. Paris, Fiscliba-
clier, 1884, p. 124).
 
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