Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 35.1906)

116

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

A sa gauche un vieillard — encore jeune, — à l’air très malin, à
l’œil observateur, pétillant, malicieux, rusé; son front large et
dénudé, sa bouche pincée, son menton puissant sont tout à fait carac-
téristiques. On a voulu voir là le portrait du peintre Roger van der
Weyden. Mais, outre vraiment que l’artiste n’aurait pas songé, je
pense, à se placer à la gauche immédiate du duc, malgré toute la
bienveillance qui pouvait lui être témoignée, nous avons un portrait
de Roger dans Y « album d’Arras ».

Peut-on faire le moindre rapprochement? Assurément, non :
mais il en est un qui s’impose immédiatement avec le revers, avec

ce Nicolas Roi in en perruque, âgé
d’au moins soixante-quinze ans,
que nous voyons agenouillé devant
saint Sébastien, avec aussi la sta-
tuette du château du Plessis1. Ce-
lui-là, par exemple, jouit encore
de la vie; les années ne l'ont pas
encore touché, il ne dépasse guère
soixante-cinq ans.

Je n’ai pas parlé de la figure
d’évêque qui se trouve dissimulée
entre les têtes du Pape et du duc
de Bourgogne. Quoiqu’elle soit im-
possible à identifier iconographi-
quement, nous ne pouvons douter
qu’il s’agisse là de Jean Rolin, fils
du chancelier, né à Autun en 1408,
évêque de Chalon-sur-Saône en
1431, évêque d’Autun en 1436, enfin cardinal prêtre de Saint-Etienne

PORTRAIT DE CHARLES LE TÉMÉRAIRE

d’après une peinture sur vélin
du recueil de gaignières
(Bibliothèque Nationale, Paris.)

in Cœlio Monte le 20 décembre 14482. Et cette date vient encore res-

serrer nos limites.

Si l’évêque eût été cardinal, le peintre ne l’aurait pas coiffé de
la mitre épiscopale, il l’eût revêtu certainement des insignes de sa
princière dignité. Cette page iconographique est donc antérieure
à 1448. Et nous aurions ainsi, par la figure du duc, né en 1396 et

1. Reproduit clans notre premier article, p. 2t.

2. Nous n'avons d'autre portrait du cardinal Rolin que celui du tableau
d’Autun (le n° 103 de l’Exposition des Primitifs français) ; il paraît là avoir 7o ans.
Nous ne pouvons, en effet, demander un véritable portrait au Parlement de
Bourgogne -présidé par Charles le Téméraire, que nous trouvons dans Gaignières.