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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 35.1906

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Nr. 2
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Schmidt-Degener, Frederik: Un tableau de Jérôme Bosch au musée municipial de Saint-Germain-en-Laye
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https://doi.org/10.11588/diglit.24817#0167

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UN TABLEAU DE JÉRÔME BOSCH

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dues qui lient de la vision et qui a l'intensité d’une hallucination.

Sans doute nous avons devant nous l’illustration d’un proverbe
constatant que celui qui se laisse prendre par des jongleries perd
son argent et devient la risée des enfants. Pour être acceptée, la
peinturede genre avait encore besoin d’un prétexte moral quelconque.

Gomme je l’ai déjà dit, les accessoires, dans ce tableau, sont traités
d’une manière sommaire; la simplicité des costumes chez Bosch
frappait déjà van Mander; les plis abondants, un des triomphes de
l’école précédente, ont été remplacés par les surfaces unies qui font
mieux valoir les tons et leur harmonie. Mais la grande différence
avec l’époque antérieure, c’est surtout la perspective. Les prédéces-
seurs de Bosch se délectaient à promener le spectateur de pièce en
pièce, en laissant voir par des portes entr’ouvertes un corridor ou
une cour et, par des fenêtres étroites, un jardin, une vallée, des
montagnes lointaines. Pour la génération de la fin du xve siècle, le
sujet principal était devenu l’homme, ses affections, ses misères ; la
douce gaieté s’en va; les couleurs claires et vives sont abandonnées
pour des gammes sombres, même par des peintres qui s’efforcent de
suivre les chemins battus. On étudie la physionomie, tandis que la
perspective linéaire est en pleine décadence; l’énergie des artistes
se dirigeait vers d’autres buts; on évite même les problèmes qui
avaient préoccupé la grande époque.

Ges traits caractéristiques de son temps, Jérôme Bosch les
exprime un des premiers et très complètement. La perspective du
tableau de Saint-Germain est presque enfantine. Ses autres tableaux
montrent la même singularité : Bosch évite totalement la perspective
dans son Couronnement d’épines et dans le Portement de Croix du
musée de Gand. Dans ce dernier tableau, considéré généralement
comme authentique, un tohu-bohu de tètes d’expression remplit le
cadre; aucune perspective n’est possible.

Les contemporains montrent les mêmes tendances. Begardez le
diptyque curieux de Jean Provost à Bruges, les Joueurs d’échecs de
Lucas de Leyde au musée de Berlin, toute la série des percepteurs
d’impôts, des orfèvres, des changeurs de monnaie, des saint Jérôme
méditant : tous ces sujets, facilement répétés, montrent plus ou moins
la même caractéristique.

La supériorité de Bosch ressort de cette comparaison; aucun de
ces peintres n’aurait pu concevoir un type aussi vivant et aussi
vrai que le saltimbanque de notre tableau : la silhouette grotesque,
la trogne fine et matoise, le geste avec lequel il fait tourner la

— 3e PÉKIO DE.

XX XV.

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