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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 35.1906

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Nr. 4
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Durrieu, Paul: Les "Belles Heures" de Jean de France, duc de Berry
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https://doi.org/10.11588/diglit.24817#0304

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282

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

Dans le paysage il y a deux choses. Il y a l’exactitude des
formes et l’observance des plans, la justesse des proportions, l’obéis-
sance aux lois de la perspective. C’est là, si je puis m’exprimer
ainsi, le côté matériel du paysage. L’art italien, jusqu’à l’époque de
Raphaël et de Michel-Ange, n’a guère envisagé que ce côté-là; et
peut-être toute la peinture antique n’a-t-elle pas été plus loin. Mais
pour une intelligence d’artiste plus sensible à l’émotion en face des
grands spectacles extérieurs, il y a mieux encore: il y a « Lame du
paysage », l’influence de l’heure et de l’état du ciel, le jeu de la
lumière, la qualité de l’atmosphère. Il y a aussi ce que j’appellerai
les « passions de la nature », l’orage, les éclairs, la mer soulevée,
l’obscurité du jour sous l’influence des nuées. Les paysagistes
hollandais, et, plus près de nous, les glorieux chefs de notre école
française moderne ont excellé à rendre ces aspects multiples et
changeants. Mais à quelle époque, en quel pays, les peintres ont-ils
commencé à interroger l’âme de la nature, à avoir l’ambition de se
faire les interprètes de ses « passions » ? La question est à peu de
choses près neuve.

Pour pouvoir bâtir des théories, il faut d’abord rechercher les
matériaux. J’ai déjà apporté ma pierre pour l’édifice à construire
de toutes pièces en révélant, dans la Gazette des Beaux-Arts, en
1903 *, ces miniatures des Heures de Turin qui montraient Guil-
laume IV de Bavière-Hainaut s’avançant sur le rivage de la mer,
ou une barque ballottée par les flots au soleil couchant, morceaux
de peinture d’une exécution prodigieuse, dont les originaux ont,
hélas! depuis lors, péri dans les flammes de l’incendie. Dans les
miniatures en question, le paysage était compris avec un sentiment
dramatique, d’un caractère véritablement tout moderne; et j’ai fait
ressortir que ces pages ne pouvaient pas avoir été peintes plus
tard qu’en l’année 1417.

Les Heures d'Ailly vont nous permettre de remonter sûrement
encore un peu plus haut que 1417. Ces Heures sont cataloguées dans
l’inventaire du duc de Berry dressé au commencement de 1413,
dont nous avons donné un extrait précédemment. A cette époque,
les Heures sont décrites comme « très bien et richement historiées »,
c’est-à-dire munies de leurs miniatures qu’on appelait alors des
« histoires ». Non seulement le volume était illustré, mais encore
on avait eu le temps de le revêtir de sa reliure. Nous avons donc,

1. Tome I, p. 5 et 107, articles sur Les Débuts des van Eyck (ont été tirés à
part).
 
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