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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 35.1906

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Nr. 4
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Chennevières, Henry de: Les récentes acquisitions du départment de la peinture au Musée du Louvre (1904 - 1905)
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https://doi.org/10.11588/diglit.24817#0320

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298

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

et ses écrits l’hérésie d’Helviclius, et proclamé les privilèges et les
attributs de la Vierge. Pour récompense à tel serviteur, — nous dit
le bréviaire monastique bénédictin, — Marie voulut qu’une marque
sensible et durable témoignât. Or donc qu’une nuit, le saint, venu
pour l’office de Matines, allait franchir le seuil de l’église, un jet
de vive lumière illumina l’édifice et mit en fuite ses compagnons
effrayés. Lui s’avança sans crainte vers l’autel et, soudain, il aperçoit
la Vierge, se prosterne et reçoit d’elle une chasuble d’or, vêtement
du sacrificateur et du docteur. Ne retenant du récit que l’apparition,
Dalmau, dont l’art tout gothique ne pouvait tenter des effets de nuit,
composait une scène de plein jour et de symétrie. Assise sur un trône
à dais en édicule, la Vierge, secondée d’un ange, présente la chasuble
au saint évêque agenouillé, déjà vêtu de la dalmatique pontificale.
A droite, un groupe de saintes martyres, au nombre de cinq, et saint
Antoine ermite contemplent cette faveur céleste. A gauche, deux
anges en acolytes, l’un porteur de la mitre, l’autre de la crosse.
Deux angelots, l’encensoir et la navette aux mains, embaument
l’air de l’aromate bénit. Que dire du drapé des étoffes à système de
cassures où la science et la patience se disputent, sinon que, tout
ensemble large et détaillant, le mode de peindre atteint presque
l’insistance et la liberté de van Eyck? Le goût de couleur avoisine,
de même, le grand modèle, et personne n’osera dire que la dal-
matique du saint, surtout, n’est pas un morceau d’infinie dis-
tinction.

Du Greco, le Louvre désirait depuis longtemps quelque peinture
de conséquence, et le Roi Ferdinand, que nous avons acquis, avait
de quoi décider notre choix. Se peut-il meilleure et plus logique
amorce aux œuvres de l’étrange Theotocopuli que nous convoiterons
par la suite? C’est un ouvrage de l’heure précise où, quittant Venise
pour Madrid, l’artiste use toujours de la pâte et des gammes de
Titien, son maître, mais laisse transparaître déjà les soucis d’une
facture aiguë et de singulière poésie qu’il puisera dans le terroir
même de l’Espagne. On dirait l’annonce de ce qui surviendra du
transfuge de l’art italien. Un tel prologue semble le plus clair et
suggestif. A chaque œuvre nouvelle, le maître s’éloignera davan-
tage de son idéal de Venise, mais ce ne sera jamais au point de
perdre conscience de ses foncières qualités acquises ; et, jusqu’en
ses ouvrages les plus outrés et stridents, toujours reparaîtront, par
larges traces, les solides vertus de brosse qu’il tenait de Titien. A
l’analyse de ce Roi Ferdinand au sceptre fleurdelysé, l’œil se délecte
 
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