Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 35.1906

DOI Heft:
Nr. 5
DOI Artikel:
Jamot, Paul: Les salons de 1906, 1, La peinture à la Société nationale des Beaux-Arts
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.24817#0412

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
386

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

teur, « à travers le brouillard des superstitions persécutrices, rejoint
la Liberté et la Sagesse... » Cette philosophie revendicatrice, est, je
crois, très sincère et convenait bien à la maison d’un ami de ces livres
que le peintre, dans un coin de son œuvre, nous montre brûlés par
la main du bourreau. Il n’y avait pas à craindre qu’un si grave sujel
effarouchât la grâce prime-sautière de l’artiste. Nous avons le plaisir
de retrouver ici ce corps féminin à la fois fin et rond, ces formes de
virginité gamine et de volupté ingénue, ce type de femme enfin qui
est sa création propre; cela seul d’ailleurs suffirait pour sa gloire,
car ils ne sont pas nombreux, ceux dont on peut dire qu’ils ont créé
un type. Et nous goûtons par surcroît cette poésie spontanée, iro-
nique et sentimentale, qui est comme le prolongement coloré de
certaines pièces de Verlaine.

Il est de mode, dans les milieux intransigeants, de considérer
M. Gaston La Touche comme un artiste négligeable. Je sais tout ce
qu’on peut lui reprocher : facilité superficielle, art factice, effets de
lumière et de couleur empruntés à M. Besnard, exécution hâtive, et
je reconnais que ces défauts déparent souvent ses petits tableaux,
presque toujours ingénieux et piquants. Sans doute je préférerais
qu’on ne pût adresser aucune de ces critiques aux grands panneaux
décoratifs qu’il expose cette année. Mais, tels qu’ils sont, j’y trouve
du plaisir, et je l’avoue. N’est-ce rien, pour un décorateur d'appar-
tements luxueux et mondains, que cette imagination aisée, cette
invention élégante, ce don de faire de la féerie — féerie de théâtre,
si l’on veut, mais féerie tout de même — avec un esprit moderne, et
de suggérer au critique le plus refroidi par le blâme secret de sa
conscience une impression de fête galante et de joie voluptueuse? Je
regarde cette Berline rouge qui emporte un couple amoureux sous
la forêt d’automne, et surtout cette Fête de nuit, dont l’harmonie en
gris, noir et or, est loin d’être banale. C’est la barque des illusions
qui n’ont pas encore été perdues : noire, enguirlandée de lanternes,
conduite par deux faunes, l’un rameur et l’autre joueur de flûte, elle
porte le couple des amants sous la pluie d’un feu d’artifice et, suivie
par deux cygnes, vogue sur l’eau grise, qu’enferment des balustrades
de marbre et des arcades de verdure dont les baies laissent voir le
ciel bleu nocturne. Musique de tziganes? peut-être... Admirons les
poètes, mais sachons goûter l’heureuse fantaisie des improvisateurs.

Quoique l’art soit avant tout chose spirituelle, suivant la parole
de Léonard, il est évident qu’il ne peut exister sans la matière. Et
cette matière, en tant que matière, a sa vertu propre. Fluide et trans-
 
Annotationen