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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 35.1906

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Nr. 5
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Michel, André: Les récentes acquisitions du départment de la sculpture (Moyen Âge, Renaissance et temps modernes) au Musée du Louvre
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https://doi.org/10.11588/diglit.24817#0426

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

aboutissait rapidement à des formules dont la répétition monotone
et comme stéréotypée se retrouve en de trop nombreuses séries de
Vierges multipliées par la dévotion du temps. Il y eut alors de véri-
tables fabriques où les entrepreneurs d'objets de sainteté ouvrèrent
à la grosse les articles que leur clientèle ne se lassait pas de demander.
Mais au-dessus de cette fabrication courante, quelques œuvres révè-
lent la main d’un véritable artiste. Deux acquisitions récentes et le
legs Bossy ont fait entrer au Louvre des témoins infiniment précieux
de cet art des Madones. De la grande Vierge en pierre qui se dressait
au tympan d’une église inconnue de la région de Sens, foulant à ses
pieds l’aspic et le basilic, on peut certes admirer le style monumen-
tal et surtout la draperie qui est fort belle ; mais le morceau reste
tout de même un objet «de"série)), comme une autre Vierge en bois
de la fin du xive siècle, dont l’expression reste individuelle, et c’est
à ce titre qu’il fut acquis à bon compte. Mais la Vierge en bois as-
sise que nous devons à un vœu d’Albert Bossy, fidèlement exécuté
après sa mort est une œuvre à Ions les points de vue remarquable.

Un de ses amis, M. Paul Leprieur, a dit excellemment1 — et c’est
le sentiment de tous ceux qui l’ont connu et furent dignes de le
comprendre — ce que fut l’amateur au goût sûr et délicat, « l’esprit
sérieux, méthodique et réfléchi, ouvert à tous les raffinements de
la haute culture » à qui le Louvre doit, avec plusieurs autres, cette
belle sculpture, et comment il avait formé « sans désir de vaine
gloriole, uniquement pour s'y plaire et en tirer un complément de
joies supérieures », une collection à son image. La sculpture y tenait
une place d’honneur et notre Vierge assise, en bois de chêne, en
était une des pièces maîtresses. On peut la dater de l’extrême fin du
xuie siècle, ou plutôt du commencement du xiv", dans la série des
Madones avec. l'Enfant qui marquent la transition entre les deux
époques. Elle est remarquable surtout par l’individualité de l’ex-
pression ; une nuance de mélancolie soucieuse, de tristesse pres-
ciente est répandue sur son visage et arrête sur ses lèvres le sourire
qui s’ébauchait, tandis qu’entre les sourcils et sur le front s’im-
prime comme la trace visible d’une secrète angoisse. Ce n’est plus
la jeune mère triomphante du transept septentrional de Notre-Dame
de Paris ; moins encore la « soubrette picarde » souriante et déjà
coquette de la Porte Dorée d’Amiens, ou la grande dame aux lèvres
pincées et aux grâces affectées de la cathédrale de Reims; c’est celle

1. Le Don Albert Bossy au Musée clu Louvre {Fondation Eugène Piot. Monuments
et Mémoires inédits..., tome X, p. 217 et suiv.).
 
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