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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 35.1906

DOI issue:
Nr. 5
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Michel, André: Les récentes acquisitions du départment de la sculpture (Moyen Âge, Renaissance et temps modernes) au Musée du Louvre
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https://doi.org/10.11588/diglit.24817#0428

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402

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

et d’émail incrustés dans la bordure du corsage et du manteau ont
repris leur valeur ornementale, et, telle qu’elle se présente aujour-
d’hui, même sous un éclairage encore défectueux, — hélas! il
lui faudrait un jour caressant et discret de chapelle! — elle est au
premier rang des acquisitions dont nos séries du moyen âge se soient
enrichies en ces dernières années. Dans l’histoire de la sculpture
française, il est aisé de lui assigner sa place. Elle appartient en
effet à une famille de Madones que quelques monuments illustres
permettent de dater avec une précision rigoureuse, vers la fin du
premier tiers ou dans la première moitié du xive siècle. Ce sont,
entre autres, la Vierge donnée par Philippe VI à Guy III de Baudot,
évêque de Langues vers 1337 1 ; l’admirable statuette en vermeil du
trésor de Saint-Denis, donnée par la reine Jehanne d’Evreux, « Roync
de France et de Navarre, compaigne du Roy Charles », le 28 avril
1339; la Vierge de marbre provenant également de Saint-Denis cl
de la même donatrice, offerte le 15 août 1340; et, parmi les statues
non datées mais de style tout voisin, en dehors de la Vierge de
Troyes déjà citée, celle de Maisoncelles que M. de Laborde fît entrer
au Louvre en 1850, celle de Nanteuil-le-Haudoin (Aisne) et la série
des petites Madones dont le musée du Trocadéro a réuni les
moulages.

Celle du Louvre, par le charme de l’expression, la grâce et la
finesse, brille parmi elles comme une reine au milieu de sa cour. Elle
se rattache à ce type de beauté un peu frêle dont les miniaturistes
avant les imagiers avaient noté l’élégance et que, dès le xme siècle,
la mode avait adopté dans les milieux aristocratiques. Un poète
anglais avait, en quelques vers, — médiocres mais significatifs -
dressé comme l 'acte de naissance de cette image idéale selon laquelle
les belles dames s'efforcaient de façonner leur visage, et noté cette
mode de la pâleur bien portée, de la maigreur « distinguée » :

Altéra jejunat... minuit que cruorem,

Et prorsus quare palleat ipsa facit,

Nam quæ non pallet rustica quæquc videtur;

Hic decet, hic color est verus amantis ait2.

Mais chez notre Vierge, c’est à peine si le maniérisme affleure, et
ce qui s’en laisse voir affine, plus qu’il ne fige, l’impression de
tendresse et le charme prenant de ce délicieux visage. Si les

U A’. Gazette archéologique, 1885, p. 103.

2. Rerum Britannicarum medii ævi scriptores (édit, de 1872), tome LIX-II,
p. 173.
 
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