Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 35.1906)

RÉCENTES ACQUISITIONS DE LA SC L LPTURE AU LOUVRE 407

belle de patine dans sa chaude dorure ambrée que de style fier et crâne,
et dont on ne trouverait guère l’analogue, comme M. Paul Leprieur
l’a déjà remarqué, que dans les figurines que les imagiers de la se-
conde moitié du xve siècle multiplièrent aux voussures des cathé-
drales et églises de Nantes, Saint-Antonin ou Saint-Maurice de
Vienne. C’est enfin une autre statuette de la Vierge en pierre, du
commencement du xvie siècle, simple document, mais très bon à
recueillir, qui fit aussi partie du don Albert Bossy.

Quelques ateliers restèrent plus longtemps fidèles à la manière
que des maîtres comme Jacques Morel avaient largement contribué
à répandre dans toute la France et dont le tour du chœur de
Sainte-Cécile d’Albi a conservé d’abondants et significatifs témoins.
C’est de cette région que nous est venu un Christ au Mont des
Oliviers, en bois polychromé, de bon style, qu’il serait intéressant
de rapprocher du Christ en prière de la cathédrale de Rodez et de
celui du musée de Cluny. Il se trouvait depuis plusieurs générations
dans un château entre Teyssonnières et Albi, et peut-être quelque
reflet d'influence espagnole s’y fait-il sentir?

En Bourgogne la tradition se continue jusqu’en plein xvie siècle.
A ce titre, il importait de ne pas laisser passer sans le recueillir
un document comme le fragment du tombeau de Jacques de Malain,
mort en 1527, que nous avons acquis à bon compte et qui nous
montre, à cette date, adossé à un pilastre où s’étale déjà une orne-
mentation à la manière de Hugues Sambin, la survivance des
« pleurants » dans le style de Claus Sluter et de Marville.

Mais pour montrer ce que fut, dans les ateliers les plus représen-
tatifs de l’esprit français au xvc siècle et au début du xvie, ce que
Courajod a si bien appelé la « détente » du style bourguignon et
franco-flamand, après les exemples tourangeaux on ne saurait mieux
alléguer que la Vierge champenoise dont s’est enrichi le musée.
Des lavages indiscrets et des grattages excessifs lui ont malheureu-
sement fait perdre, avant son entrée au Louvre, un peu de sa fleur
et même de son épiderme; elle n’en reste pas moins charmante et
gracieuse, et l’une des plus jolies statues de cette série des Vierges
champenoises de Brienne-la-Vieille, de Saint-Remy-sur-Barbuise,
de Vaudes, que nous ont fait connaître MM. Raymond Kœchlin et
Marquet de Vasselot1. Nous avons ici, non plus la bourgeoise ou la

1. Voir La Sculpture à Troyes et dans ta Champagne méridionale au xnc siècle,
Paris, A. Colin, 1900, in-4°, p. 118 et suiv. Voir aussi une étude dans les Monu-
ments Plot, 2e fascicule du tome XII, 1905.