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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 35.1906

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Nr. 5
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Réau, Louis: L' exposition centennale allemande à Berlin
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https://doi.org/10.11588/diglit.24817#0457

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428

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

la même gamme de violet clair, de jaune pâle et de vert qu’il sait
nuancer à l’infini1. Il n’eût tenu qu’à lui d’être aussi un délicieux
peintre d’intimité, comme le prouve le tableautin qui représente
sa femme vue de dos à la fenêtre de son atelier. Toutefois, c’est peut-
être à son ami Kersting, peintre naguère presque inconnu, qu’on doit
les meilleurs tableaux d’intérieurs de ce temps. La petite toile où
l’artiste s’est représenté lui-même assis à son bureau dans une
chambrette aux tons clairs égayée par les jeux de la lumière est une
des plus agréables surprises de la Gentennale.

L’art de l’Allemagne du Sud a quelque chose de plus aisé et de
plus souriant que celui de l’Allemagne du Nord. A Munich, oii la
peinture d’histoire patronnée par le roi Louis Ier de Bavière,
Mécène impérieux, semblait devoir étouffer tout le reste, on est
charmé de rencontrer en la personne de Spitzweg et de Schwind
deux petits maîtres qui échappent aux formules d’école. Spitzweg,
qui fut apothicaire avant d’être peintre, évoque le bon vieux temps
dans ses idylles bourgeoises, d'une exécution très grasse et très
savoureuse. Il peint avec humour d’honnêtes curés de village, des
philistins maniaques, ou un amoureux en bésicles au nez trop rouge
qui joue de la flûte sous la fouillée, tandis que sa fiancée lui tresse
une guirlande. Mais jamais chez lui l’anecdote, si divertissante
qu’elle soit, n’est l’essentiel, et il y a dans ses moindres pochades
plus de « métier » que dans toutes les fresques de Cornélius.

On n’en saurait dire autant de Moritz von Schwind, Viennois
rêveur et jovial qui confond obstinément la peinture avec l’enlumi-
nure. Ses fresques de Munich et de Carlsruhe, qu’il considérait
comme la partie durable de son œuvre, sont aussi crayeuses et aussi
fades que celles de Schnorr von Carolsfeld. Mais, sitôt qu’il délaisse
la peinture monumentale pour illustrer naïvement la légende de
Mélusine ou de Cendrillon, il ensorcelle nos imaginations. C’est le
peintre des forêts enchantées où de gros chênes noueux tordent leurs
racines, oii des elfes vaporeux dansent dans les clairières, où tout un
peuple malicieux de gnomes et de kobolds hante le creux des
rochers. Ici, Schwind, qui couvre sa toile avec de simples frottis,
est servi par sa gaucherie même. On a le sentiment qu’une exécu-
tion plus poussée détruirait ce mirage puéril et charmant1 2.

1. Le Norvégien Cl. Dahl, qui vécut à Dresde de 1818 à -J857, est représenté
par de belles éludes d’arbres et de nuages, prêtées par le musée de Christiania.

2. On regrette de ne pas voir à la Centennale, au lieu du cycle un peu fade de
Cendrillon, la Légende des Sept Corbeaux ou le cycle de La Belle Mélusine.
 
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