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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 35.1906

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Nr. 5
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Réau, Louis: L' exposition centennale allemande à Berlin
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https://doi.org/10.11588/diglit.24817#0462

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432

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

Bôcklin est un merveilleux interprète du paysage italien, dont
il donne une traduction très allemande; c’est surtout un grand
peintre de la mer. Nul n’a su rendre comme lui le jeu des vagues
frangées d’écume qui déferlent contre les écueils : véritables
tableaux de pleine mer qui ont la fragrance de l'algue et du sel
marin. Sa fantaisie crée des êtres chimériques à l’unisson de cette
nature. Ses faunes lascifs, ses tritons bouffis ne sont pas une figu-
ration accessoire et postiche, mais l’émanation même du paysage ;
ils s’apparentent aux formes naturelles. Les monstres marins font
corps, pour ainsi dire, avec la vague qui les soulève; le faune velu
se distingue à peine des rochers roux à l’abri desquels il guette les
nymphes et les chevriers ; les nuages menaçants qui courent dans le
ciel has s’affrontent avec la même rage que les centaures. Il semble
qu’une même vie élémentaire circule à travers les êtres et les
choses. Bôcklin revêt par surcroît ces visions panthéistiques d’une
pourpre éclatante : il obtient de véritables tons de vitrail d’une trans-
parence et d’un éclat prestigieux. On est d’autant plus fasciné par ces
rouges ardents, ces bleus profonds, ces couleurs chaudes et nourries,
que l’école allemande, si l’on excepte le seul Grünewald, n’a guère
produit devrais coloristes.

Le germanisme affiché, l’archaïsme conscient de Hans Thoma lui
ont valu une excessive popularité, égale, ou peu s’en faut, à celle de
Bôcklin1. En dépit des panégyristes intempérants qui l’exaltent, son
œuvre intéresse la sentimentalité allemande plus que l’art véritable.
Toute la vie de Thoma s’est écoulée entre le Rhin et la Forêt-Noire :
il a peint avec une simplicité attendrie cette grasse plaine badoise
où les vergers alternent avec les houblonnières et où les villages
épars jettent la note gaie de leurs toits rouges. Un de ses meil-
leurs paysages représente tout uniment les pentes gazonnées du
Schwarzwald, dont la solitude s’anime d’une horde de chèvres
grimpeuses : nature un peu terne, mais d’une adorable quiétude.
Son art a un goût de terroir très prononcé. Mais dès qu’il cesse de
parler patois, il est trahi par la pauvreté de ses moyens d’expression
L’imagination fruste de ce vieil artisan manque d’envergure. Il
embourgeoise la mythologie : ses sirènes sont des matrones, ses
sagittaires des philistins.

Une robuste génération de réalistes d’un métier très sûr a heu-
reusement surgi pour combattre ces égarements. L’influence de 1

1. Y. Henry Thode, Bôcklin und Thoma, Heidelberg, Winter, 1905, in-8.
 
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