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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 35.1906

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Nr. 6
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Jamot, Paul: Les salons de 1906, 2, La peinture à la Société des Artistes Français
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https://doi.org/10.11588/diglit.24817#0515

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482

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

mouvement qui accentue la rondeur pleine des hanches. La face
légèrement renversée s’offre par les larges yeux dont le regard ne
reflète aucune pensée et par les lèvres charnues d’une petite bouche
entr’ouverte. Le modelé sans ombres, mené avec une sensibilité
caressante, et le dessin précis qui effleure sans insistance la ligne
de ce corps onduleux, sont aussi éloignés de la sécheresse que de la
mollesse. Je me rappelle une délicieuse étude de Renoir : un dos
de femme couchée, dont le contour, le modelé et la couleur évoquent
impérieusement la saveur du fruit mûr, ferme et rond, que la fan-
taisie du peintre a figuré dans un coin de la toile. Le petit tableau
de M. Raphaël Collin insinue en nous, — toutes distances obser-
vées, et elles sont grandes, — une suggestion du même genre,
impression ambiguë d’une fleur qui serait déjà presque un fruit.

Je ne vois, au Salon de cette année, que les nus de Mlle Dufau
qui puissent justifier des réflexions analogues. Je n’ai pas besoin de
dire combien l’art de Mlle Dufau diffère de celui de M. Raphaël
Collin. La grande toile qu’elle expose ici, comme la plupart de celles
qui lui ont acquis, en si peu d’années, une légitime réputation, est
destinée à embellir une muraille et est conçue dans un esprit réso-
lument décoratif. Le paysage et les figures y jouent un rôle égal.
Dans un bassin qu’entourent et sèment de feuilles jaunies les fron-
daisons d’un parc automnal, non loin d’un Trianon chimérique
dominé par un horizon de montagnes bleuâtres, des naïades nues
se baignent, et leurs jeux nonchalants rident à peine l’eau qui porte
deux cygnes noirs. L’une des baigneuses, à demi couchée dans une
pose de mollesse qui découvre jusqu’à mi-jambes son beau corps
fait pour l’amour, écoute à peine, en souriant à sa propre pensée, ce
que dit un faune assis sur la rive. Deux autres, debout dans des
attitudes qui tendent le double gonflement de leurs seins, étirent la
courbe lisse du ventre et arrondissent en corbeille la grâce de leurs
bras levés, sont trop loin pour entendre la chanson masculine. Le
talent de MUe Dufau excelle à marier aux lignes et aux couleurs du
paysage les mouvements et les formes des beaux corps nus. Elle se
plaît à d’ingénieuses et séduisantes variations sur ce thème de paga-
nisme décoratif, dont la première idée lui vint peut-être de
M. Besnard, mais qu’elle a fait sien par une nuance particulière
de langueur câline et de secret désir. Ce troublant accord, dans le
rythme et la couleur, entre les chairs nacrées et l’or des feuillages,
est ici réalisé avec un charme exceptionnel. Cependant, malgré une
esthétique plus haute et une exécution plus recherchée, cette jolie
 
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